Lune de neige…

11 février 2017

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« … toute la fraîcheur au sommet des branches

tant de clarté légère, musiciennes pépites d’enfance, éclats de pensée

cailloux du bord que le ressac épèle

le silence a neigé toute la nuit

des vergers de silence en fleurs – …

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… Des voix de neige tournoient dans la nuit

le même enfant regarde le silence

danser pour ceux qu’étonne d’être là –

éclats de joie dans l’incompréhensible –


Neigez ô neiges, neigez, neigez

pattes de velours, cristaux impensés

neigez silence, neigez idées,

clartés sans mots écloses sur les lèvres

flocons, pétales, duvets

d’une pensée indivise

neigez dru dans nos ténèbres

îles des battements blancs – … »

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Envie d’un blanc manteau pour couvrir le bruit ambiant…

Pleine LUNE, ECLIPSE pénombrale, passage de COMÈTE…

le ciel parle à la terre … —> ICI

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Extraits de : « Patmos et autres poèmes » 2001 Lorand Gaspar.

Illustrations : 1/« Cygne »  Aart Schouman 1710-1792 2/« Neige, arbre et pleine lune »  Susuki Kiitsu 1796-1858.

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Se protéger du vacarme…

BVJ – Plumes d’Anges.

Existence…

9 février 2017

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« … Je suis là. J’existe. Vous êtes là. Vous existez. Nous sommes là. Nous existons. Ne chipotons pas. C’est un étonnement. C’est une stupeur. Mais c’est comme ça. Nous participons tous ensemble, sans avoir rien demandé, à une évidence fragile, lumineuse et confuse à laquelle nous tenons plus qu’à tout en dépit du mal qu’il nous arrive d’en dire : la vie…

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… Plutôt qu’un secret ou une énigme, l’univers est un mystère. Et il nous est interdit de percer ce mystère.
Que faire ? Peut-être vaudrait-il mieux en prendre notre parti ? À quoi bon nous débattre ? Renonçons à connaître ce qu’il nous est impossible de connaître. Fermons les yeux. Profitons d’une existence qui est une sorte de miracle. Soyons heureux.

Une voix venue nul ne sait d’où et qui ne se lasserait jamais nous souffle pourtant en silence que ce n’est pas tout d’être heureux. Nous ne sommes pas là pour rigoler. Ou pas seulement pour rigoler.

Mais alors pour quoi ?…

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… Nous sommes libres. (…) Notre liberté est encadrée par les exigences et les règles les plus strictes. Nous ne sommes pas libres de refuser d’être nés, d’échapper à la mort, d’être un autre que nous-même, de revenir en arrière, de l’emporter sur la temps, de sortir de l’histoire. Mais nous sommes libres d’agir ou de ne rien faire, de choisir la droite ou la gauche, de dire oui ou non, d’accepter ou de refuser, de donner un sens nouveau au passé, d’infléchir l’image que nous nous faisons de nous-mêmes et que nous offrons aux autres, de prévoir dans une certaine mesure et de préparer l’avenir et de forger notre destin. Nous sommes libres en un mot d’être des hommes et des femmes libres…

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… Comme l’univers lui-même, la vie des hommes est un désastre et un enchantement. Un désastre parce que la fin est déjà inscrite dans le début. Un enchantement parce qu’il ne cesse de s’y passer des évènements qui provoquent des émotions, des sentiments, des réflexions, de la passion. Un désastre parce qu’il y a la souffrance et le mal. Un enchantement parce qu’il y a l’espérance et l’amour…


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… Le plaisir est une herbe folle qui pousse entre les pierres. Le bonheur est un lac très calme qui brille sous le soleil. La joie est une tempête qui tombe du ciel pour nous élever vers lui. Le plaisir est un instant qui passe : il nous excite. Le bonheur est un état qui s’efforce de durer : il nous apaise. La joie est une grâce venue d’ailleurs. Elle éclate. Elle nous transporte. Elle nous ravit au-dessus de nous-mêmes…

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… L’air, l’eau, la lumière, le plaisir, le bonheur, la beauté sont des dons gratuits du monde et de la vie. Chacun peut jouir de la lumière. Vous avez le droit d’être heureux. La beauté est un enchantement qui transforme l’existence. La vérité est un devoir. Elle est combat, dissimulation, recherche, découverte, proclamation. Elle est surtout obligation. En ouverture de son cours d’hypokhâgne ou de khâgne au lycée Henry IV, le philosophe Alain avait coutume d’inscrire au tableau noir la phrase si belle de Platon :

Il faut aller à la vérité de toute son âme. … »

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Extraits de : « Guide des égarés » 2016  Jean d’Ormesson.

Illustrations : 1/« Paysage vers Nuneham »  Edward Lear 1812-1888   2/« Portrait d’un homme »  Georges Méliès 1861-1938.

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Inspirer les vrais et beaux chemins…

BVJ – Plumes d’Anges.

Digne élévation…

6 février 2017

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Observant le monde, une fois encore, l’envie de dire…

« Élève tes mots, pas ta voix,

c’est la pluie qui fait

grandir les fleurs,

pas le tonnerre. »

Rumi

Tout deviendrait plus simple, mais la simplicité plait-elle à l’homme ?

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Illustration : « Champ de blé »  Eliseu Visconti 1866-1944.

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Élever nos aspirations…

BVJ – Plumes d’Anges.

Potage exquis…

2 février 2017

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Que diriez-vous d’un délicat potage pour réchauffer nos soirées d’hiver ? Rien ne vaut une soupe maison, c’est bien connu. Et quand celle-ci se réalise en deux coups de cuiller à pot et ne demande qu’une quinzaine de minutes de cuisson, il serait dommage de s’en priver.

La courge d’Hokkaido (j’adore l’évocation du Japon) plus connue dans nos régions sous le nom de Potimarron, a un goût exquis, non de noisette (c’est d’un commun…) mais de châtaigne et ses vertus sont très nombreuses.  Si le légume est bio, on peut le cuire et le consommer avec la peau, le gain de temps de préparation n’est donc pas négligeable.

Je ne sais pas ce que vous en pensez, personnellement je suis gourmande des bons petits plats que l’on confectionne soi-même, joyeusement, avec amour.

Se bien nourrir est si important, notre société industrialisée l’oublie trop souvent, à nous d’agir et de réagir.

ET PENDANT CE TEMPS…

« La rosée goutte, goutte

voulant rincer enfin

la poussière de ce monde »

Matsuo Bâsho

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– SOUPE DE POTIMARRON À L’ORANGE –

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Ingrédients (BIO de préférence) : 1 potimarron d’environ 500 grs, 1 bel oignon, 3 carottes, 50 cl de bouillon de volaille, le zeste d’1/2 orange (prélevé à « l’économe »à légumes), sel, poivre, graines de tournesol, pignons.

Réalisation : Bien brosser le potimarron sous l’eau courante, le couper en dés. Couper l’oignon en quatre, peler les carottes. Verser le tout dans une casserole, recouvrir du bouillon et poser les zestes sur les légumes. Saler et poivrer. Porter à ébullition, laisser cuire 15/20 minutes environ. Retirer les zestes, mixer le potage, le servir saupoudré de graines de tournesol et de pignons grillés.

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J’ai mis un petit peu plus de bouillon qu’indiqué sur la recette,

je n’avais plus de pignons et le résultat fut… un potage exquis !

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Recette trouvée dans : « Côté Ouest » numéro de décembre 2016.

Tableau : « Jeune fille et potiron » – détail –  Fausto Zonaro 1854-1929.

Photos PJ

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Déguster les douceurs de la vie…

BVJ – Plumes d’Anges.

Jardin intérieur…

30 janvier 2017

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« … En toi est le jardin des fleurs, dit Kabir. En toi est le jardin des fleurs… Longtemps cela m’a paru une simple référence poétique. Aujourd’hui, ce titre me semble la clé de l’intimité avec le meilleur de soi.

Prenez quelques secondes pour imaginer un jardin intérieur. Il affiche des zones d’ombre et de lumière. On peut s’y livrer aux rayons du soleil. On peut s’y reposer et faire la sieste. On peut y écouter le vent dans les arbres et le chant des oiseaux. Il y a peut-être même une fontaine qui émet un léger gazouillement. On peut y contempler quelques sculptures, humer des fleurs et se laisser enchanter par les parfums de la nature. On peut y déambuler et y méditer. On peut y boire et y manger. Bref, c’est un endroit où prendre une bouffée d’air frais dans tous les sens du mot. . Fermez les yeux, laissez vos préoccupations à la porte, et abandonnez-vous, condition essentielle au ressourcement. Notre réceptivité passive s’ouvre alors et il devient possible de se nourrir de sensations subtiles.

À l’évidence, vous avez aussi la possibilité d’entrer dans ce jardin la tête remplie de soucis. Ce n’est pas grave, le jardin ne vous en voudra pas. Mais il ne pourra rien pour vous. Vous resterez enfermé dans la partie mourante de vous-même, dans cet univers concentré qui devient concentrationnaire avec le temps parce qu’on y tourne en rond comme les prisonniers dans la cour. Cela va tout à fait à l’encontre de notre entreprise.

Comme je l’ai déjà dit, rencontrer le meilleur de soi signifie prendre contact avec la partie vivante de soi. C’est honorer la partie lumineuse, large, abondante. C’est la nourrir, la stimuler, la cultiver. Cela veut également dire que l’on favorise l’intensité de la vie en invitant de nouvelles sensations, de nouvelles idées, de nouveaux rêves.

Le meilleur de soi est déjà présent. Il n’a pas à être créé ou inventé. Il ne s’agit pas d’une tâche de plus à accomplir. Il s’agit de permettre un ressenti, de lui ouvrir la porte comme on ouvre celle d’un jardin. Alors nos capacités subtiles favorisent la rencontre de l’océan en soi, le ciel étoilé en soi, chaque partie de l’univers en soi…

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… La première fleur du jardin du dedans est la détente. Elle contribue à rétablir l’ampleur naturelle de l’être…

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… Quand le souffle s’étire et se lance vers l’inconnu, c’est le moment de l’inspiration. J’inspire, j’accueille l’air dans mes alvéoles pulmonaires et l’univers s’imprime en moi. Je m’informe, je m’instruis, je m’inspire, je m’oriente et j’entre en expansion.

Quand le souffle revient à sa source, c’est l’expiration. J’expire, j’expulse l’air hors de mes poumons. Je m’incarne, je m’exprime, je me mélange, je participe…

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… Lorsque l’on respire consciemment, on a l’impression de communier avec la vie, et de s’unir à son immensité. Comme si l’univers était en soi et qu’on y participait intimement…

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… Les visites de l’espace intérieur ne règlent pas tout comme par magie. Les difficultés, les impatiences, les écueils sont toujours là, mais ils ont perdu le pouvoir de nous mettre à genoux. Avec le temps, ils deviennent les nombreux rappels qui nous gardent éveillé et qui nous invitent à choisir la part lumineuse et vivante plutôt que la part sombre. Au bout du compte, on réalise de plus en plus clairement que la qualité d’une vie n’a rien à voir avec ce que l’on fait, elle a plutôt à voir avec comment les choses sont vécues. Tout se résume à une disposition d’esprit… »

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Extraits de : « Le meilleur de soi »  Guy Corneau 1951-2017.

Illustrations : 1/« Un jardin en septembre »  Mary Heister Reid 1854-1921  2/« Jardin japonais »  Emil Orlik 1870-1932.

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Entretenir un havre de paix en soi…

BVJ – Plumes d’Anges.

Nourrir l’âme…

26 janvier 2017

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« …REGARDER

« La beauté nourrit l’âme. Ce que les aliments sont pour le corps, les images saisissantes, complexes et agréables le sont pour l’âme. »

Thomas MOORE, Le Soin de l’âme.

Dans une étude sur les émotions positives, quatre chercheurs américains, Jeannette Haviland-Jones, Holy Hale Rosario, Patricia Wilson et Terry R. McGuire, ont découvert que si les fleurs sont appréciées, ce n’est pas tant pour leur valeur symbolique, sociale ou marchande que pour l’effet qu’elles ont  sur les émotions de ceux qui les reçoivent ou les contemplent. Les belles fleurs non seulement produiraient des émotions positives immédiates, mais modifieraient durablement nos humeurs et auraient des effets sur les performances de notre mémoire. Bref, elles nous font du bien, tout comme porter leur parfum ou… leurs couleurs.

Que ce soit de la musique, de la poésie, un moment passé à contempler un ciel parme, de beaux légumes, des fruits de mer, c’est tout ce que nous mettons dans notre corps, notre esprit et notre cœur qui nous nourrit. La nourriture se dévore des yeux autant qu’elle se déguste. L’esthétique est AUSSI une nourriture… »


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Extrait de : « L’art de la frugalité et de la volupté » 2009 Dominique Loreau.

Illustrations : 1/« Tulipe » – Manuscrit turc du XVIIIème   2/« Azalées »  Marie Egner 1850-1940.

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Se nourrir d’émotions positives…

BVJ – Plumes d’Anges.

Empathie…

22 janvier 2017

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« … La guerre entre les Tutsi et les Hutu, c’est parce qu’ils n’ont pas le même territoire ?

– Non, ça n’est pas ça, ils ont le même pays.

– Alors… ils n’ont pas la même langue ?

– Si, ils parlent la même langue.

– Alors, ils n’ont pas le même dieu ?

– Si, ils ont le même dieu.

– Alors, pourquoi se font-ils la guerre?…

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… « De quelle origine es-tu ? » Question banale. Convenue. Passage quasi obligé pour aller plus loin dans la relation. Ma peau caramel est souvent sommée de montrer patte blanche en déclinant son pedigree. « Je suis un être humain. » Ma réponse les agace. Pourtant, je ne cherche pas à les provoquer. Ni même à paraître pédant ou philosophe. Quand j’étais haut comme trois mangues, j’avais déjà décidé de ne plus jamais me définir…

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… Un chaine d’infos en continu diffuse des images d’êtres humains fuyant la guerre. J’observe leurs embarcations de fortune accoster sur le sol européen. Les enfants qui en sortent sont transis de froid, affamés, déshydratés. Ils jouent leur vie sur le terrain de la folie du monde. Je les regarde, confortablement installé là, dans la tribune présidentielle, un whisky à la main. L’opinion publique pensera qu’ils ont fui l’enfer pour trouver l’Eldorado. Foutaises ! On ne dira rien du pays en eux. La poésie n’est pas de l’information. Pourtant, c’est la seule chose qu’un être humain retiendra de son passage sur terre. Je détourne le regard de ces images, elles disent le réel, pas la vérité…

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… J’ai vécu mes plus belles années à Kamenge, sans m’en rendre compte, car sans cesse je pensais au jour d’après, espérant que demain serait mieux qu’hier. Le bonheur ne se voit que dans le rétroviseur. Le jour d’après ? Regarde-le. Il est là. À massacrer les espoirs, à rendre l’horizon vain, à froisser les rêves. J’ai prié pour nous, Gaby, j’ai prié autant de fois que j’ai pu. Plus je priais et plus Dieu nous abandonnait, et plus j’avais foi en sa force. Dieu nous fait traverser les épreuves pour qu’on lui prouve qu’on ne doute pas de lui. Il semble nous dire que le grand amour est fait de confiance. On ne doit pas douter de la beauté des choses, même sous un ciel tortionnaire. Si tu n’es pas étonné par le chant du coq ou par la lumière au-dessus des crêtes, si tu ne crois pas en la bonté de ton âme, alors tu ne te bats plus, et c’est comme si tu étais déjà mort…

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… Je relis le poème de Jacques Roumain offert par Mme Economopoulos le jour de mon départ :  » Si l’on est d’un pays, si l’on y est né, comme qui dirait : natif-natal, eh bien on l’a dans les yeux, la peau, les mains, avec la chevelure de ses arbres, la chair de sa terre, les os de ses pierres, le sang de ses rivières, son ciel, sa saveur, ses hommes et ses femmes… »

Je tangue entre deux rives, mon âme a cette maladie-là… »

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Extraits de : « Petit pays » 2016  Gaël Faye.

Photos BVJ (Vers l’Estagnol dans le Var)

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En ces temps de folie, cultiver nos dons d’empathie…


BVJ – Plumes d’Anges.

Aventure intérieure…

19 janvier 2017

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« … L’écriture fait partie intégrante de mon aventure intérieure. Au point qu’elles sont en moi confondues. Mon journal m’a permis de réaliser une autoanalyse, de résigner mon moi et de m’engager dans la recherche du soi – un soi si difficile à atteindre.

J’ai longtemps commis l’erreur de croire que tout artiste, tout intellectuel, toute personne ayant eu accès à la culture, vivait obligatoirement l’aventure de la quête de soi. Je me trompais grandement. On peut être un philosophe, un psychanalyste, un prêtre, un écrivain estimé, un professeur de médecine renommé, on peut brasser d’importantes affaires, assumer de hautes responsabilités, on peut être un éminent savant dans telle ou telle discipline, on peut même avoir amassé maintes connaissances sur la quête de soi, mais tant qu’on n’est pas passé par cette expérience, on ne sait en quoi elle consiste. À l’opposé, on peut la vivre avec beaucoup de rigueur en n’ayant aucune culture, aucune capacité intellectuelle particulière. L’important est d’avoir accès à son intériorité. Seul vit cette expérience celui qui en éprouve l’exhorbitante nécessité.

« Connais-toi toi-même » ont gravé les Grecs sur le fronton du temple d’Apollon à Delphes. C’est uniquement de cela dont il s’agit. La vérité dont nous avons faim n’est autre que celle de nous-même qu’il nous faut acquérir. Elle n’est pas à chercher hors de nous, dans une quelconque philosophie ou une quelconque religion. Elle apparaît quand nous parvenons à être lucide sur nous-même, à exister par nous-même, à penser par nous-même, et lorsque nous lui avons donné une assise ferme, elle détermine notre manière de penser et de vivre. De toutes les aventures possibles, celle-ci est la plus passionnante, celle qui ménage les plus étonnantes et les plus fécondes découvertes. C’est elle qui donne sens à une vie… »

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Extrait de : « Apaisement »  (Journal VII 1997-2003 – 19 janvier) 2013  Charles Juliet.

Dessins anonymes  : 1/Carte du ciel avec signes du zodiaque et constellations – XVIII ème  2/Etude d’angelots – Espagne 1689.

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Chercher notre vérité en nous…

BVJ – Plumes d’Anges.

Situations extrêmes…

16 janvier 2017

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« … Chaque année, la chaleur risque de me tuer. La ville se vide et nous, les chiens, nous finissons dans la rue. La première année fut la plus dure. Je ne savais que faire, j’étais perdu. J’errais dans les rues vides, rien à manger.(…) J’ai résisté, j’ai pleuré, j’ai dormi, puis j’ai regardé le ciel et j’ai vu descendre un ange, avec de grandes ailes blanches. Je l’appelle comme ça, mais je ne suis pas sûr, je l’avais déjà vu d’autres fois de loin, je ne fais pas très attention au ciel. J’ai pensé que c’était un ange parce qu’il s’était adressé à moi.

Quand une créature descend du ciel et te veut justement toi, ce doit être un ange. Il est venu au devant de moi et m’a fait une caresse blanche de son aile. Je l’ai regardé et il m’a dit : « Suis-moi. » Sa voix était celle de l’eau de pluie, « Suis-moi », il a dû me le dire encore, parce que je ne réponds pas la première fois. Je pense que j’ai rêvé un ordre, une invitation, et j’attends donc une confirmation. Je me suis dressé sur mes pattes, j’avais la tête qui tournait. Il faisait la chaleur volcanique de ces terres jaunes du sud, tuf et soufre. L’ange m’a conduit hors du territoire connu. Je suis paresseux, sans curiosité pour le grand monde, j’aime les habitudes. Mais je me sentais en danger. L’ange m’a ouvert les routes, il y avait partout des chiens perdus qui traînaient en quête d’une occasion. Il m’a trouvé un coin et m’a apporté à manger, j’ai demandé pourquoi il m’aidait, il a répondu que c’était sa mission. Il avait des ailes pour ça, pour attirer le regard des créatures vers le ciel. Il apprenait à s’adresser en haut quand le bas nous abandonne.

« Tu as regardé en haut, c’est pour ça que je suis descendu. Si tu avais gardé les yeux à terre, je n’aurais pas pu. Je viens seulement chez ceux qui ont besoin du ciel. »

Je ne savais pas que j’en avais besoin, mais il est vrai que j’avais levé les yeux en quête d’un nuage de pluie. Les hommes s’abritent, nous non, pour nous c’est la plus belle des caresses.

Je n’avais pas mangé de poisson avant cet été-là, j’ai découvert que c’était très bon, il me l’apportait tout frais de la mer. Il me disait que la mer aide quand la terre se ferme. Je n’avais pas pensé à la mer, au ciel, la terre me suffisait. Les anges aident à penser.

« Ange, dis-je, tu connais le monde, tu le surveilles depuis les airs, dis-moi quelle est ma faute.

– Je vois les montagnes, mais je ne distingue pas les prises, je vois la grandeur mais je ne reconnais pas les détails. Je suis en exil quand je descends sur terre, je vis au ciel. J’ai vu de loin des chiens lécher la main de l’employé de la fourrière et d’autres mordre celle de leur maître. Les torts et le mérites sont répandus pêle-mêle sur la terre. La faute d’un autre retombe sur toi et à un autre revient le mérite d’une de tes bonnes actions. Ce n’est qu’à le fin qu’on fait les comptes et qu’on répond de chaque chose.

– Même de l’abandon ? ai-je demandé.

– Oui »

Les jours passaient, bouillants, dans la rue les marginaux s’organisaient en meutes. La nécessité rend dangereux. La police est intervenue et elle a arrêté un grand nombre d’entre nous. Je m’enfuyais en suivant par terre l’ombre des ailes devant ma course. La ville était sans protection, mais moi j’étais sous celle de l’ange… »

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Extrait de : « Le plus et le moins » 2015  Erri De Luca.

Illustrations : 1/« L’Annonciation » – détail – Jacopo Pontormo 1494-1557  2/Etude –  Sir Edwin Henry Landseer 1802-1873.

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Se sentir sous la protection de l’Ange…

BVJ – Plumes d’Anges.

Oeuvres humaines…

12 janvier 2017

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« … Tous les lieux habités sont faits de manques et de trop pleins…

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… Un jour, vous aussi vous mourrez. Quand viendra l’heure, posez-vous la question qui compte : « Ai-je fait un bel usage de ma présence au monde ? » Si la réponse est non, ce sera trop tard, pour vous plaindre comme pour changer. Alors n’attendez pas…

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… La plupart des gens s’accommodent d’une géographie réduite et se contentent de passer leur vie à marcher ou dormir dans une toute petite part de nuit. Quelques-uns s’efforcent d’aller vers des coins ou de grands espaces qu’ils n’avaient jamais visités auparavant..

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… Elle a aussi dit à mon oncle que jamais, même en joignant leurs forces, ils ne parviendraient à réparer l’irréparable, à redonner vie au passé. À défaut, ils avaient commencé une œuvre qui valait la peine. Je ne comprenais pas le sens de ses mots. Puis ils m’ont expliqué. Et j’ai vu. Cette nuit-là, j’ai compris que, puisque le bon Dieu n’existe pas, il est des hommes qui, sans se prendre pour lui, essayent de faire des choses bien, à leur mesure, en fouillant dans le peu que la nature leur a donné pour accompagner les rêves des autres. C’est mon oncle qui a inventé ce mot d' »aide bonheur »…

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Elle ne sera jamais finie, la beauté c’est continuel, et il faut lui courir après, la découvrir au jour le jour… »

Extraits de : « La belle amour humaine » 2011  Lyonel Trouillot.

Illustration : « Les quatre parties du monde »  Jean-Jacques Bachelier 1724-1806.

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Peindre sa vie le cœur ouvert…

BVJ – Plumes d’Anges.