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« … La guerre entre les Tutsi et les Hutu, c’est parce qu’ils n’ont pas le même territoire ?
– Non, ça n’est pas ça, ils ont le même pays.
– Alors… ils n’ont pas la même langue ?
– Si, ils parlent la même langue.
– Alors, ils n’ont pas le même dieu ?
– Si, ils ont le même dieu.
– Alors, pourquoi se font-ils la guerre?…
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… « De quelle origine es-tu ? » Question banale. Convenue. Passage quasi obligé pour aller plus loin dans la relation. Ma peau caramel est souvent sommée de montrer patte blanche en déclinant son pedigree. « Je suis un être humain. » Ma réponse les agace. Pourtant, je ne cherche pas à les provoquer. Ni même à paraître pédant ou philosophe. Quand j’étais haut comme trois mangues, j’avais déjà décidé de ne plus jamais me définir…
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… Un chaine d’infos en continu diffuse des images d’êtres humains fuyant la guerre. J’observe leurs embarcations de fortune accoster sur le sol européen. Les enfants qui en sortent sont transis de froid, affamés, déshydratés. Ils jouent leur vie sur le terrain de la folie du monde. Je les regarde, confortablement installé là, dans la tribune présidentielle, un whisky à la main. L’opinion publique pensera qu’ils ont fui l’enfer pour trouver l’Eldorado. Foutaises ! On ne dira rien du pays en eux. La poésie n’est pas de l’information. Pourtant, c’est la seule chose qu’un être humain retiendra de son passage sur terre. Je détourne le regard de ces images, elles disent le réel, pas la vérité…
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… J’ai vécu mes plus belles années à Kamenge, sans m’en rendre compte, car sans cesse je pensais au jour d’après, espérant que demain serait mieux qu’hier. Le bonheur ne se voit que dans le rétroviseur. Le jour d’après ? Regarde-le. Il est là. À massacrer les espoirs, à rendre l’horizon vain, à froisser les rêves. J’ai prié pour nous, Gaby, j’ai prié autant de fois que j’ai pu. Plus je priais et plus Dieu nous abandonnait, et plus j’avais foi en sa force. Dieu nous fait traverser les épreuves pour qu’on lui prouve qu’on ne doute pas de lui. Il semble nous dire que le grand amour est fait de confiance. On ne doit pas douter de la beauté des choses, même sous un ciel tortionnaire. Si tu n’es pas étonné par le chant du coq ou par la lumière au-dessus des crêtes, si tu ne crois pas en la bonté de ton âme, alors tu ne te bats plus, et c’est comme si tu étais déjà mort…
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… Je relis le poème de Jacques Roumain offert par Mme Economopoulos le jour de mon départ : » Si l’on est d’un pays, si l’on y est né, comme qui dirait : natif-natal, eh bien on l’a dans les yeux, la peau, les mains, avec la chevelure de ses arbres, la chair de sa terre, les os de ses pierres, le sang de ses rivières, son ciel, sa saveur, ses hommes et ses femmes… »
Je tangue entre deux rives, mon âme a cette maladie-là… »
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Extraits de : « Petit pays » 2016 Gaël Faye.
Photos BVJ (Vers l’Estagnol dans le Var)
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En ces temps de folie, cultiver nos dons d’empathie…
BVJ – Plumes d’Anges.
Je fais ce que je peux en ce domaine, mais je crois surtout que l’intention compte le plus.J’admire ces personnes qui mettent en pratique ces dons d’empathie envers les plus démunis. Et dire que certains en arrivent à être poursuivis par la loi ! C’est le monde à l’envers ! Bises et belle journée. Joëlle
cette guerre épouvantable a marqué à jamais et des textes comme celui là l rappelle bien à propos
Magnifiques extraits, rappel à l’ordre ! Merci, Brigitte.
« Quand j’étais haut comme trois mangues, j’avais déjà décidé de ne plus jamais me définir… », et essayer d’ échapper aux cases dans lesquelles on est immédiatement enfermés…
Gaël Faye sait faire passer le terrible message, connais-tu la chanson du même titre?
https://www.youtube.com/watch?v=XTF2pwr8lYk
Bonne semaine Brigitte, merci d’en parler.
A mettre sur ma pile de livres en attente, j’ai beaucoup aimé le voir et l’entendre sur ‘la grande librairie’, belle soirée chère Brigitte
Un titre à découvrir, certainement. Même problématique, autres lieux, autres conflits dans « Le fils de l’autre » que j’ai regardé hier soir (excellents interprètes).
Oui, on nous enferme dans des case. Quand cela mène à la guerre c’est terrible mais cela arrive aussi à vous et moi, à presque tous. On nous enferme, par notre éducation dans la prison de la « persona », ce masque que nous portons pour que la société nous accepte et don Jung a si bien parlé. Merci Brigitte pour tes choix de textes.
Ton premier texte me fait penser à Tistou les Pouces verts, la Guerre idiote entre les Vazys et les Vatens…
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Très beaux extraits d’un livre que je lirai sûrement tôt ou tard. « C’est le réel, mais pas la vérité », c’est vraiment à méditer … Bonne semaine Brigitte, bises 🙂
Les différences sont partout…..Je suis différent de toi….Alors le mieux est d’accepter toutes ces différences. Pratiquons l’empathie.
Très beaux textes qui donnent envie d’aller plus loin, de connaitre l’auteur.
Et une pensée nostalgique en voyant une photo de l’Estagnol…magnifique plage que j’ai connue enfant et jamais revue…! Merci Brigitte pour ces cadeaux et Bises.
C’est un livre magnifique qui doit tous nous inciter à réfléchir à l’acceptation de l’autre.
Et j’aime aussi la photo pris près de l’Estagnol : vous aimez le Var, vous aussi.
Très joli extrait d’un livre magnifique qui situe l’histoire au plus près des gens et de leurs souffrances, des gens pris dans le tourbillon de la guerre sans en connaître les véritables raisons.
Bon week-end.
Il y a toujours une subtile frontière entre l’empathie et l’éponge, que j’avoue ne pas encore bien distinguer… mais ça viendra… j’ai bon espoir…