Carnet d’un voyageur…

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« … Je m’assis contre l’un des moulins à prières et observai le monastère. Plus haut, sur les pentes du mont Somdo, une harde de bharals paissait au soleil.  Pas de léopard en vue, mais le ciel de l’après-midi était limpide et à cette hauteur la lumière avait quelque chose d’absolu, atteignait son état le plus pur. Et il en allait de même pour l’air raréfié que je respirais, l’eau glacée que je caressais du revers de la main, la roche chauffée au soleil contre laquelle je m’étais assis. À cette pureté en correspondait une autre au fond de moi, c’était la réflexion au bout de laquelle j’essayais d’aller : le vent, le torrent, la lumière, la pierre étaient faits de la même substance que mon sang, mes fibres, mes organes, et les faisaient entrer en résonance comme le tambour du moine avait secoué mes membranes. Boum, boum, boum : je suis fait de ça, de ça, de ça. La montagne me portait à l’essentiel…

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… Il n’empêche, comme c’était beau, comme cela nous était devenu naturel et nécessaire de nous remettre en chemin. Tourner le dos au monde connu et découvrir à chaque pas un pan du monde nouveau. Marcher était notre mission quotidienne, notre mesure du temps et de l’espace. C’était notre façon de penser, d’être ensemble, de traverser le jour, c’était le travail que nos corps faisaient maintenant sans nous. Même amaigris, fourbus, fiévreux, chaque matin ils se relevaient et se remettaient en mouvement, dociles comme des bêtes de somme. Marcher réduisait la vie à l’essentiel : manger, dormir, rencontrer, penser. Aucune invention de notre siècle ne nous servait plus à rien une fois que nous étions en route, mis à part une bonne paire de chaussures et, dans mon cas, un livre dans le sac. Depuis des semaines je vivais de riz, de lentilles, de légumes, parfois d’œufs et de fromage, de mon Léopard, de mon carnet, de mes amis. Le plus surprenant n’étant pas tant de pouvoir faire avec si peu mais de constater que je ne désirais rien de plus. Ce n’est que quand nous nous arrêtions que s’immisçaient le besoin, la nostalgie, les ambitions, tous les vides à remplir… »

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C’est un petit livre, une sorte de carnet de voyage que nous offre Paolo Cognetti après son magnifique ouvrage « Les huit montagnes« . Il y raconte une marche sur plus de 300 kilomètres dans le Dolpo, à la recherche d’une montagne originelle. Fortement inspiré par Pieter Mathiessen (il a dans son sac « Le léopard des neiges« – livre que je n’ai pas encore réussi à me procurer Dominique -). Il ne cherche à accomplir aucun exploit, il veut juste parcourir ce lieu, ces vallées, monter, descendre, se perdre dans le temps, observer, admirer, rencontrer, partager, vivre la montagne. Un très  joli moment de lecture qui suscite une envie, celle de partir aussi dans les monts et de tourner le dos au connu.

À bientôt aminautes de France, de Navarre et d’ailleurs…

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Extraits de : « Sans jamais atteindre le sommet »  2019  Paolo Cognetti.

Illustrations : 1/ Peinture exécutée sur un meuble tibétain – Musée d’art de Los Angeles – XIXème  2/ « Blanc et céleste » Nicolas Roerich    1874-1947.

Se remettre en chemin et découvrir…

BVJ – Plumes d’Anges.

17 commentaires sur “Carnet d’un voyageur…”

  1. daniel dit :

    Et bien je m’en vais…….En bretagne, regarder la mer et marcher sur les chemins côtiers . Bien entendu je n’emporte pas me soucis. Je les laisse à la maison avec mes deux chats !!

  2. Anne dit :

    J’ai beaucoup aimé lire ce texte que tu proposes, et beaucoup ton commentaire; ainsi s’évade -t-on!
    Amitiés!

  3. naline dit :

    Si c’est le cas, je te souhaite une belle escapade et de belles découvertes là où tes pas te mènent !

  4. claudeleloire dit :

    pour un temps court, je pourrais y souscrire … mais j’ai trop de gens à aimer que pour y sombrer …
    amitié .

  5. Comme Claudeleloire, pour un temps court seulement….
    Merci Brigitte ! Je te souhaite un beau chemin cet été et t’embrasse. Claudie.

  6. J avais tellement aimé Les huit montagnes… et Le léopard des neiges, au reste !
    Une lecture qui m attend pour l automne.
    À bientôt, Brigitte, bonnes échappées à toi.

  7. Aifelle dit :

    Je lirai les Huit montagnes, mais je veux d’abord lire « le léopard des neiges » qui est dans ma PAL depuis quelques années (hé oui …) Bonnes vacances Brigitte, reposantes et ressourçantes. Bises. 🙂

  8. Florinette dit :

    A bientôt Plumes d’Anges, profites bien de ces belles journées d’été qui nous poussent à nous évader !!
    Je t’embrasse

  9. Adrienne dit :

    j’ai toujours rêvé de faire un voyage à pied…
    bonnes vacances!

  10. Tania dit :

    Pensé aux « Chemins noirs » de Sylvain Tesson en lissant le passage sur la marche. Merci pour ces extraits et les belles illustrations. Bonne route, bonnes balades, bonnes découvertes !

  11. Fiorenza dit :

    Comme Tania, ce texte m’a évoqué Sylvain Tesson, autre magnifique poète
    des chemins…
    Bonne route, chère Brigitte, que ce mois d’août réponde à tes attentes,
    nous te retrouverons avec plaisir lorsque tu descendras des monts !

  12. J’ai bien prévu de le lire ! J’ai aimé ses deux livres précédents et c’est un genre « marche + journal » que je lis beaucoup.
    Bon voyage ! A très vite.

  13. Colo dit :

    Ah moi aussi j’ai envie de le lire, merci pour ces superbes illustrations aussi.
    Bonnes balades, besos

  14. eki eder dit :

    merci pour ce partage de texte intéressant.
    Bonnes vacances!

  15. Ulysse dit :

    Béatrice j’ai lu et adoré « les huit montagnes » et je vais aussi lire ce livre. Comme vous je n’ai pas lu le Léopard des neiges mais j’ai aussi bien envie de le lire je partage la philosophie de l’auteur « nous sommes faits des mêmes atomes que les montagne » je vous souhaite de belles journées à venir…Bises

  16. Merci de donner envie de lire ce petit livre ! Belle journée à vous.

  17. Célestine dit :

    Bon voyage, ma Plume !
    Les huit montagnes m’avaient bien plus. Alors se laisser tenter par celui-là ?
    •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

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