Senteur, saveur…

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« … La clémentine a bonne taille. Elle vient se lover dans la main, et y trouve sa juste place. On l’éprouve du pouce ; sa consistance n’est ni dure, ni molle. Sa peau légèrement grenue est agréable, sans sophistication soyeuse ni rugosité. On l’emporte partout. Au fond du sac, elle se glisse sans effort, ne tache pas, ne pèse rien. On peut l’extraire à tout moment, dans un moment creux de préférence. Manger une clémentine est un rite consenti par tous les entourages, une petite virgule concédée sans dégoût ni restriction, dans les voyages automobiles ou les trajets ferroviaires.

La volupté suprême est de commencer à la dépiauter d’une seule main, de l’abandonner du regard en continuant de lire un livre ou de consulter son smartphone. Quand la peau est trop fine, cela résiste un peu, mais elle a d’ordinaire une souplesse conciliante. Il faut insister au passage du filament central, précieusement préservé dans la consommation domestique, quand on veut en faire la mèche d’un minilampion, mais arraché, sacrifié dans la dégustation ambulante.

Cela semble une gageure, et pourtant on y parvient toujours. On tient l’écorce entière et le fruit dans la paume. Un parfum frais, léger, commence à s’épancher. On sait qu’il n’incommode pas les autres, leur dit des souvenirs de cours d’école avant l’étude du soir, ou d’hivernances. C’est qu’il est temps d’abandonner l’indifférence et de consacrer ses deux mains à la séparation des tranches. Là encore, la clémentine ne fait pas sa coquette. Sa bonne volonté fait penser à Paul et Virginie, un monde où les melons seraient nervurés pour que les humains puissent y découvrir des parts satisfaisantes. Mais dans la bouche le fruit sage et conditionné n’en explose pas moins, calme la soif, la faim, laisse planer dans les wagons entiers cette question troublante : est-ce la clémentine qui sent Noël, ou Noël qui sent la clémentine ?… »

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Texte issu d’un joli livre de Philippe Delerm dans lequel par petites touches incroyablement variées, il parle avec justesse d’instants de vie que nous connaissons toutes et tous, sortes de clichés photographiques fixés dans une mémoire. Le vocabulaire est riche, les tournures grammaticales élégantes, l’observation fine, ces petits riens quotidiens ou presque sculptent l’existence et y ajoutent une note joyeuse et  espiègle… un doux plaisir à partager, comme ce gâteau qui donnera un air de fête à cette fin d’année, régalez-vous et régalez ceux que vous aimez, il n’y a jamais trop d’amour et de douceur paisible à distribuer…

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GÂTEAU AUX CLÉMENTINES

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Ingrédients : 5 clémentines BIO (400 g.), 6 œufs, 200 g. de cassonade, 250 g. de poudre d’amandes, 10 g. de beurre pour le moule.

Réalisation : Faire bouillir un grand volume d’eau pour pocher les fruits entiers pendant 1 heure, à feu moyen. Égoutter, laisser refroidir,  les réduire en purée au blender ou au mixer.

Battre les œufs avec le sucre, ajouter la poudre d’amandes puis la purée de fruits.

Verser cette pâte dans un moule beurré, enfourner 50 minutes environ à 180 degrés.

Laisser tiédir et démouler.

J’ai rajouté un petit glaçage au Grand Marnier…

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Texte extrait de : « L’extase du selfie et autres gestes qui nous disent »  2019  Philippe Delerm.

Tableau : « Fruits et porcelaines »  Antonio Ponce  1608-1677  –  Photos PJ.

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Apprécier l’importance des petites choses…

BVJ – Plumes d’Anges.

19 commentaires sur “Senteur, saveur…”

  1. Aifelle dit :

    J’aurais dû me douter que c’était Philippe Delerm ! j’adore la clémentine, même si je ne peux plus en manger, il me reste l’odeur, qui évoque tellement la fin de l’année. Bon lundi Brigitte, bises.

  2. Fiorenza dit :

    Délicieuse entrée dans la nouvelle semaine de bise hivernale,
    oui, Brigitte, nous aimons la lecture de Philippe Delerm
    notre prosateur-poète devenu presque « classique » !

    Pure coïncidence, j’ai relu l’un de ses ouvrages récemment
    et le charme a opéré en bannissant les années puisqu’il nous parle
    de nos vies, de nos rêves, de nos plaisirs quotidiens sublimés comme
    ces Noëls au parfum de clémentines : qui pourrait résister à pareille union ?

    Le gâteau que tu nous offres est très tentant et, petit apport « brigittesque »,
    la poudre d’amandes nous rappelle que la vie peut être douce…
    tout simplement .
    Merci et haut les cœurs !

  3. Adrienne dit :

    immédiatement reconnaissable, la façon dont Delerm décrit ces petits bonheurs quotidiens 🙂
    je suis fan!

  4. thé ache dit :

    je n’ai jamais essayé de déplumer une clémentine d’une seule main… expérience à tenter, et aussi essayer ta recette de gâteau avec le nappage….

  5. Sylvierose dit :

    Jolie présentation de ce fruit si parfumé et agréable à déguster, la clémentine me fait toujours penser aux fêtes de fin d’année, d’où cette impression que ce fruit dégage de la joie et des sourires… La recette est une vraie gourmandise, le gâteau doit être délicieux 😋 Belle journée !!!

  6. Marie Minoza dit :

    Superbe description… La clémentine dans toute sa splendeur et son parfum… et ton gâteau à l’air bien bon…

  7. Dominique dit :

    j’aime bien tes petites recettes j’en ai fait plusieurs toujours avec succès
    Philippe Delerm il y a une éternité que je ne l’ai pas lu

  8. manou dit :

    Il a l’air délicieux ce dessert bien de saison…je sens l’odeur de chez moi ! Cet extrait est lui aussi très parfumé 🙂 et j’aime l’évocation des petits lampions qui toutes les veilles de Noël décoraient la table de fête. Bonne journée

  9. Florinette dit :

    Tout comme Aifelle, j’ai pensé à cet auteur en lisant l’extrait !
    Ton gâteau donne très envie de se mettre au fourneau surtout que j’aime bien ce fruit. Merci Brigitte pour ce délicieux partage et douce semaine, je t’embrasse

  10. yannn dit :

    Une si belle description d’un fruit qui a su nous séduire.
    Un ecclésiastique s’y est frotté. Clément de son nom, je crois.
    Et le fil du milieu qui peut servir de mèche, je découvre.
    J’aime jouer à enlever la peau en une seule partie.
    J’aime à laisser sécher la peau.
    J’aime ensuite la mettre dans le feu de la cheminée ouverte.
    J’aime entendre les essences crépiter.
    J’aime l’odeur qui s’en suit.
    J’ai essayé à m’inscrire à ta NL. Je n’ai pas encore trouve la façon.
    Amic@lement. > Yann

  11. eki eder dit :

    un billet parfumé et délicat, dommage que je ne peux goûter ce gâteau
    bonne fin de lundi

  12. Miam ! miam ! miam ! Je crois bien que je vais me laisser tenter par cette recette ! Le gâteau est superbe, l’assiette ravissante… Tout y est pour un petit moment de partage et donc, de bonheur.

  13. Célestine dit :

    Les petits délices quotidiens…
    De quoi aborder la journée avec une infinie gratitude…
    Merci ma Plume
     •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

  14. daniel dit :

    Pour profiter des petits riens, il faut savoir écouter, regarder, en un mot être disponible. Belle journée Brigitte !

  15. angedra dit :

    Délicieuse lecture parfumée !
    La clémentine m’évoque les Noëls partagés en famille avec des découpes de la peau de la clémentine en petits paniers. Chaque enfant voulait le sien, raisons de plus pour piocher encore et encore dans la grande coupe qui débordait de ces beaux fruits parfumés et juteux.
    Nous avons dans la famille une grande préférence pour ce fruit contrairement à la mandarine. Un petit air de famille peut-être avec nous puisque la clémentine est née comme nous de l’autre côté de la Méditerranée grâce au père Clément.
    Je note la recette avec gourmandise.

  16. Tania dit :

    L’auteur reconnu dès quelques lignes… Ces variations sur le « carpe diem » et l’exercice de ses cinq sens me charment presque toujours.

  17. Ulysse dit :

    Brigitte c’est le fruit d’hiver que je préfère et j’en emmène toujours une en randonnée J’adore rouler les pelures entre mes doigts et humer l’essence qui s’en dégage beau dimanche à toi

  18. Anne G dit :

    Je note cette rcette! J’ai aimé le Delerm du début (Autumn) je trouve que ces derniers temps, il cède à la facilité…
    Merci Brigitte pour tes articles emplis de douceur!

  19. Cathie Flore dit :

    Comme Aifelle, je ne mange plus de clémentines pour éviter le reflux gastrique. Cela me prive un peu, mais il y a d’autres fruits tentants : les figues, les kiwis dorés, les ananas… Quant à Delerm, il est le spécialiste des petits bonheurs de la vie.

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