Rêves éveillés…

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« Je suis éveillé.

Je m’endors.

Je rêve que je suis éveillé.

Je rêve que je m’endors.

Je rêve que je rêve.

 

Je rêve que je rêve

que je suis éveillé.

Je rêve que je rêve

que je m’endors.

Je rêve que je rêve

que je rêve.

 

 Je suis éveillé. »

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« La pensée ne peut tenir dans l’homme.

C’est pourquoi elle se lance comme un bélier contre le ciel,

fichée comme un coin entre couleur et couleur,

cherchant son lieu

dans le corps du monde.

 

Sa charge de puissance nue

ravage les bords et le fond,

comme un courant barbare qui dévore son lit.

 

La pensée est une liberté plus grande que l’homme. »

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« On me dicte des choses,

non d’un autre monde ou partant d’autres êtres,

mais, plus humblement, du dedans.

 

Qui donc est au dedans,

en plus de moi ?

Ou peut-être n’y suis-je pas,

peut-être ai-je laissé la place

pour qu’un autre me dicte ?

 

S’il en est ainsi,

peu importe que la dictée

personne ne la comprenne.

Peu importe même

que moi je la comprenne.

 

Être n’est pas comprendre. »

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« Il est des vies qui durent un instant :

leur naissance.

 

Il est des vies qui durent deux instants :

leur naissance et leur mort.

 

Il est des vies qui durent trois instants :

leur naissance, leur mort et une fleur. »

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Quand les poèmes s’imposent,

qu’ils égrainent leurs mots comme des cailloux blancs,

quand les images se proposent,

nous retrouvons enfin notre chemin,

le chemin des rêves étoilés…

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Poèmes tirés de Poésie verticale – Roberto Juarroz  1925-1995.

Illustrations : 1/ « Plafond peint – Château d’Amerongen » photo A.J. 

2/ « Angélique sauvage »  Akseli Gallen-Kallela  1865-1931.

…..

Se laisser habiter…

BVJ – Plumes d’Anges.

5 commentaires sur “Rêves éveillés…”

  1. Cathie Flore dit :

    Des réflexions profondes sur la conscience, la pensée, et la nature de l’existence. On touche un peu la complexité de nos états d’éveil et de rêve, la puissance de la pensée qui cherche sa place dans le monde, ainsi que la relation entre ce que nous comprenons et cette « voix » qui nous dicte de l’intérieur. J’aime bien Roberto Juarroz et sa poésie verticale.

  2. Fiorenza dit :

    Comme Cathie Flore, je suis troublée par le monologue du poète :
    notre voix intérieure reste un mystère venu de tant de lieux traversés,
    de personnes croisées, de lumières et d’ombres,
    c’est probablement le plus grand secret de nos vies !

    Roberto Juarroz m’est inconnu, merci, chère Brigitte,
    de nous enrichir sans cesse de toutes ces voix qui, au fil des jours…
    et des nuits, nous aident à mieux aimer le monde qui nous entoure 💫

  3. thé ache dit :

    les oiseaux sont symboles si forts en référence à nos idées qui peuvent décoller, planer, piquer … ils sont si éloignés de nos capacités et en même temps presque palpables (si ils daignent) la pensée se peut ailée et si légère, mais la pesanteur veille…

  4. manou dit :

    Des réflexions intéressantes à méditer finalement…Je ne connais pas ce poète mais tes extraits m’interpellent et me donnent envie d’en savoir plus. Merci pour la découverte

  5. Marie Minoza dit :

    Le rêve se nourrit souvent de la réalité
    et la réalité a parfois besoin du rêve pour survivre…
    ***
    Un texte à lire et relire
    6V2N

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