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« … L’esprit français exige, comme tu dis, un autre langage, plus cérébral que viscéral, dans lequel mot et pensée sont inséparables. Tu dis ce que tu penses, et tu penses ce que tu dis. Et tu dois tout dire, tout expliquer, tout analyser. Pas de lyrisme. Pas de métaphore. Alors que tu viens d’une culture dans laquelle on ne parle que pour cacher sa pensée, on écrit que pour emballer ses désirs et embellir ses tripes dans la poésie. Toi, tu te perds toujours entre les deux. Inconsciemment ou non…
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… Au bruit des pas de Yûsef, il lève la tête, puis ôte ses lunettes pour l’accueillir avec un sourire, lui demandant, comme à chaque fois, où il en est de la cueillette de ses pas. Car, comme le dit la légende qu’il lui avait racontée, les traces de pas de chaque homme sont éparpillées sur terre dès sa naissance. Et l’homme, du premier jour où il marche, en ramasse une à chaque pas, jusqu’au jour où il cueille sa dernière trace, et c’est la fin, la mort…
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… « Mais les êtres humains, qu’ils vivent dans la misère et sous la terreur ou dans la richesse et le bonheur, sont programmés pour mourir un jour. Pas une œuvre d’art. Une œuvre garantit la trace de l’humanité dans l’univers ! (…) « Et puis les êtres humains peuvent se reproduire, pas les œuvres d’art. (…) Elle poursuivit : « Je sais que tu es comme moi convaincu que si l’humanité existe toujours sur cette terre, ce n’est pas grâce à sa capacité de procréation mais de création. »…
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Entre Une défaite de l’Histoire – le 11 mars 2001, jour de la destruction des Bouddhas de Bâmiyân en Afghanistan – et … trois faits divers du 13 mars 2001…
Deux histoires, celle de Tom, afghan exilé en France et celle de Yûsef, afghan porteur d’eau à Kaboul.
Leur lien réside dans le fait que ces deux hommes ressentent la même difficulté à vivre et à exprimer leur amour, ils évoluent dans une vie qui ne leur est pas destinée et tentent un jour de changer les choses. Histoires d’amours, d’exils, de mémoires, poids des traditions, des religions, folie des talibans, tragédies d’hommes et de femmes en perpétuelle recherche d’identité… On prend vraiment conscience à travers ces 280 pages des terribles difficultés rencontrés par ces peuples. L’écriture est belle, poétique, on sent que les deux cultures, françaises et afghanes habitent l’auteur, au fil des jours on saisit réellement la profondeur de ce livre…
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Extraits de : « Les porteurs d’eau » 2019 Atiq Rahimi.
Illustrations : 1/« Les Bouddhas de Bâmiyân » Gravure extraite de « Voyage à Bokhara » d’Alexander Burnes 1805-1841 2/« Tulipe » Peter Holsteyn le Jeune 1614-1673.
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Se libérer des carcans…
BVJ – Plumes d’Anges.
Merci Brigitte pour ce partage ! Ce livre semble délicat et sensible. Belle fin de semaine, je t’embrasse; Claudie.
C’est beau cette histoire de cueillette de pas .. J’ai eu l’occasion de rencontrer Atiq Rahimi à la sortie de son livre. Je le découvrirai un jour. Bon week-end Brigitte.
Ces pays lointains nous sont tellement étrangers qu’il est difficile pour nous
de cerner leur imaginaire !
Deux membres de ma famille s’étaient rendus en Afghanistan avant la guerre,
leur récit m’avait sidérée…
« La cueillette de leurs pas » m’aide à mieux comprendre l’infinie complexité du monde…
Merci, Brigitte !
cette cueillette des pas est magnifique on voudrait remplir son panier ainsi
un auteur que j’aime si plein d’humanité
nous sommes tous naît pour mourir un jour, chaque pas nous y conduit … mais pardi que les miens sont légers par rapport aux leurs … qu’ai-je fait pour mériter cela et eux quels sont leurs crimes ? je voudrais tant qu’ils puissent me rejoindre pour qu’ensemble nous marchions dans la vie jusqu’à l’heure finale !
amitié .
je suis occupée à lire « Le naufrage des civilisations » d’Amin Maalouf, on se rejoint !
C’est beau tout ça, si beau.
Moi là, je ne ressens qu’une seule culture par dessus toutes les autres, celle de l’humanité debout.
Et dans ce mot « afghan », la grâce.
Je t’embrasse fort.
…et pour toutes celles qui sont dans le Var ou les Bouches du Rhône, Amin Maalouf est au Printemps du Livre à Cassis cette après midi……..
Avant de mourir créons chacun notre musique !
La chute des Bouddhas m’avait traumatisée : je n’ai jamais pu me faire à ce genre de violence…
Bisous ma Plume
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Quelle nous avons de vivre dans un pays en paix où a liberté n’est pas un vain mot. J’y pense souvent !!
Oups ! Je voulais dire quelle chance nous avons …….
Les extraits interpellent. Je note particulièrement la dernière phrase. Ce livre semble sensible et fort à la fois.
Une lecture que je te dois, un billet prochainement. Merci, Brigitte.
Distraction – mon billet est en ligne aujourd’hui même, je vais y ajouter un lien.