En ce monde…

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« … En ce monde, l’âme ne va pas nue. Elle a revêtu une enveloppe charnelle plus ou moins épaisse et légère. Elle a pris corps, et avec lui doit collaborer, faire amitié et non soumission. Au vestiaire des âmes, avant d’entrer en scène, elle a pris un manteau, une coiffe, des chaussures, qu’elle devra quitter après la représentation ou dont elle changera au cours des actes du drame. Mais qui a choisi le tissu, la forme, la couleur des vêtements ? Qui, dans les coulisses, file, tisse, coupe et coud ? Où est le maître tailleur ?…

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… Souvent l’homme méprise et repousse ce qui ne lui ressemble pas. Il se prend pour la mesure de toutes choses et pour le roi de l’univers. Mais la vie lui rappelle que tous les êtres sont reliés et qu’entre eux le dialogue est nécessaire et les accords fructueux…

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… L’être humain ne devrait pas se plaindre ni s’en remettre toujours à l’aide d’autrui. Il a en lui toutes les ressources nécessaires, qu’il lui faut explorer et développer. La connaissance de soi requiert de l’audace et du courage, une belle persévérance, et la vie, toujours imprévisible, répond à qui lui fait confiance…

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… Bien des hommes accumulent honneurs, pouvoirs et richesses et négligent le plus précieux : la vie inimitable, toujours surprenante, et leur âme légère qui, un soir, à leur insu, s’envole. Dans la longue nuit, qui les consolera ?…

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… Plus la conscience d’un être humain s’éveille, plus il se sent responsable – non seulement de ses actes ou de ses proches, mais de l’humanité entière à travers ses errances et ses clartés…

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… Elle dérange, la beauté, parce que, venue de nulle part, elle n’appartient à personne et n’a aucune utilité. Mais sans elle on meurt, sans elle, le carcan de souffrance et d’absurdité se resserre. Serait-elle une des apparitions de l’invisible venant se poser sur la terre des hommes, éclairant le visage de toutes choses ?…

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… Écoutez, écoutez bien : derrière le brouhaha du monde, ne percevez-vous pas une fine mélodie, comme un frémissement d’astres ? Regardez, regardez bien à l’intérieur : n’y a-t-il pas un scintillement de source, une clarté qui grandit ? Depuis quand sommes-nous ici à errer, à nous perdre, depuis combien d’années portons-nous sur les épaules le poids d’un âne mort ? Avons-nous oublié notre splendeur première, n’avons-nous nul désir de déposer le fardeau de misère pour courir vers le ciel et sa brassée d’étoiles, pour nous jeter dans la lumière ?… »

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Extraits de :  « Une robe de la couleur du temps » 2014  Jacqueline Kelen.

Illustration : 1/ et 2/« Amherstia nobilis  (Arbre du paradis) » Nathaniel Wallich 1786-1854.

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Aller vers notre quintessence…

BVJ – Plumes d’Anges.

12 commentaires sur “En ce monde…”

  1. Anne dit :

    J’ai été très intéressée par ce livre où J.kelen analyse les contes, et par là même approfondit l’âme humaine; donc contente d’en relire ces extraits!! J’avais réussi à poser quelques questions à J.kelen et elle m’avait répondu de sa grande écriture, mais il reste tant d’ombres; nous voudrions avoir toutes les réponses, nous cherchons dans la nuit, et il y a peu de lumières pour nous éclairer; merci à elle de tenter de le faire, et à toi de t’en faire écho!

  2. Mathilde dit :

    Un très beau texte qui nous ramène à l’ essentiel …il nous faut parfois redécouvrir des chemins si simples qu’ on les avait délaissés …:-)
    Merci Brigitte

  3. Dominique dit :

    je relis en ce moment Elie Wiesel aussi ton billet me parle beaucoup

  4. Aloysia* dit :

    Je ne savais pas à Jacqueline Kelen un tel don d’écriture… Cet évocation des vêtements de scène choisis par l’âme est bien jolie. Mais pourquoi dit-elle que la beauté dérange ? Cela me paraît bien étonnant. Et pourquoi s’étonne-t-elle que les hommes ne déposent pas ici leur fardeau, alors qu’ils ne demandent que cela mais n’en trouvent pas les moyens ?

  5. Aifelle dit :

    Je reconnais bien la prose de Jacqueline Kelen ! toujours aussi intéressante et percutante 🙂

  6. colo dit :

    Tous pareils, nous avons en nous toute les ressources nécessaires pour…tout faire.

    Merci pour ces magnifiques extraits qui donnent force et courage.
    Bien amicalement.

  7. Un livre de Jacqueline Kelen que je n’ai pas lu…. Merci.

  8. Poussy dit :

    Avant que notre âme s’envole un soir, à notre insu, mener la GRANDE VIE, celle du coeur…….

    Mille bisous d’amitié vive

  9. angedra dit :

    « Se jeter dans la lumière », c’est ainsi que la vie doit être vécue. Peu importe de quel habit la vie nous aura revêtu, tendons toujours à trouver la lumière qui nous fera apprécier la beauté.

  10. JC dit :

    Un retour à la source intérieure que nous propose avec subtilité et humanité Jacqueline Kelen.
    Mecri Brigitte et belle journée à toi. Bises.Joëlle

  11. naline dit :

    Un livre que j’ai beaucoup aimé. Merci de me remémorer ces passages.
    Merci, Brigitte !

  12. christinegio dit :

    Avant les épousailles d’avec la lumière, la traversée des ténèbres.
    Ne zappe pas Jacqueline…
    Pour Tsim et Tsoum : il nous faut les deux rejointe dans l’éclair.
    Joyeux dimanche et des bises.

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