Nouvel Homme…

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« … J’espère en un nouvel homme, je ne dis pas un homme du futur. « Nouvel homme » implique pour moi une renaissance, un être affranchi de beaucoup d’inutilités. Nous compliquons trop nos existences. Mon père disait : « Nous sommes possédés par nos possessions. » Le désert nous apprend à nous soustraire des futilités et inutilités. Dans son espace, nous sommes à la limite de la survie. Les grandes cités nous submergent de superflu dans tous les domaines. Ces boutiques de gadgets, cette marée de nourriture, de vêtements. Ces maisons envahis par quantité de meubles et de bibelots. Tout cela incite les gens à posséder, acheter tout à crédit, y compris leurs vacances. Placés dans une spirale infernale, ils sont dépendants de la société de consommation. Alors que la source du bonheur est en nous-même…

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… Mes recherches scientifiques sont doublées d’une quête religieuse, d’une exploration intérieure très forte qui s’accomplit d’elle-même, sans le secours d’une méthode. L’immersion dans le désert approfondit l’être, le délie de toute responsabilité, l’affranchit des choses accessoires. Ce lieu contient en lui-même une nourriture mentale, car avec un peu d’aliments j’y fais des trajets importants en me portant bien. C’est le hic et nunc, l’Ici et Maintenant où nous trouvons dérisoire et sans sagesse d’avoir compliqué notre existence, accumulé tant de fatras, d’inutilités. Les peuples du désert, qu’ils soient nomades ou sédentaires, me donnent toujours des leçons de par leurs dons d’émerveillement, d’imagination, de volonté et d’adaptation…

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… Le désert nous réapprend les gestes naturellement rituels, inscrits, voire dirigés par le cosmos. Un homme soumis à la modernité et au béton est démuni dans un tel monde, s’il ne se régénère pas  aux deux nivaux essentiels qui le structurent verticalement et horizontalement : la Terre et le ciel. Le citadin n’est plus le fils spirituel de ces deux éléments nourriciers. Cette éternelle division entre Matière et Esprit doit cesser, comme cette idée trop répandue que le scientifique est le premier adepte de cette césure. La Matière est animée par l’Esprit. La montée de la vie et celle de l’esprit sont liées. Certains individus sont porteurs d’espoir. Quelques consciences sont capables de résister à la tradition guerrière. Une poignée de résistants ne se laissent pas domestiquer par la mise en condition générale. Les contestataires, même s’ils sont une goutte d’eau dans la mer, touchent les gens, ouvrent des esprits. Il est bon de réveiller un peu nos contemporains…

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… Je ne suis pas pessimiste, mais clairvoyant. Beaucoup me parent du qualificatif d’illuminé. Je les en remercie. Il est vrai que je suis ébloui, éclairé, rempli de lumière ; car je suis fasciné, émerveillé par la Vie, la Supervie. Le fait de découvrir, d’ouvrir les yeux chaque jour avec la fraîcheur d’un enfant me comble d’immensité et de lumière.

Heureusement, il y a ces résistants, cette poignée de veilleurs qui en éveillent d’autres. Le grain semé est multiplié… »

Extraits de : « Le chercheur d’absolu »  Théodore Monod 1902-2000.

Illustration : 1/« Musa Regina » Henry Oliver Walker 1843-1929.

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Veiller…

BVJ – Plumes d’Anges.

13 commentaires sur “Nouvel Homme…”

  1. MISS MM dit :

    Un texte plein de bon sens et d’humanité. Revenir à plus de simplicité, se rapprocher de la nature, s’émerveiller de la Vie et s’efforcer de la protéger. J’espère aussi en « un nouvel homme ». A nous tous de faire notre part pour faire avancer les choses.

  2. angedra dit :

    Difficile chemin à suivre dans une vie entre famille, travail, responsabilités et encore moins lorsqu’il n’y a pas de travail, pas de choix pour une vie aussi raisonnée.
    Mais beau texte.
    Très belle journée.

  3. Aloysia dit :

    Qu’il est beau, ce tableau ! Qu’ils sont beaux, ces visages ! Ces anglais sont vraiment très inspirés… Derrière le dépouillement recherché par Théodore Monod, je salue surtout cette vision « instantanée » de tout ce qui nous fascine et retient dans cette vie : la beauté… Dont pourtant nous devrions savoir à l’instar de cet anglais, que nous sommes l’original.

  4. Dominique dit :

    Théodore Monod est un compagnon depuis pas mal d’années, son appel à se défaire du superflus était très largement en avance sur son époque
    un émerveillé de la vie dont les paroles et les écrits nous guident

  5. Martine dit :

    Quel beau texte, je vais aller me le chercher, belle semaine et bises

  6. Mathilde dit :

    Théodor Monod , l’ arpenteur du désert , avec ce texte magnifique , nous montre une fois de plus que la simplicité , l’ abandon du superflu nous font toujours aller à l’ essentiel …à la source de la beauté et de la Paix pour toujours renaître …:-)
    Merci Brigitte ..Je t’ embrasse

  7. daniel dit :

    Nous compliquons trop nos existences. Nous empilons, nous entassons alors que nous devrions nous dépouiller, nous détacher pour apprendre à vivre un peu plus libre. Le désir de possession à plein d’effets pervers dont celui d’avoir la peur de tout perdre !

  8. alezandro dit :

    Théodore Monod cet immense naturaliste et humaniste protestant menait de pair recherches scientifiques et réflexions sur la place de l’homme sur terre et la marche du monde. La notion de désert dans la bible revient très souvent et occupe une place importante. Lieu d’épreuves, de réflexions et de victoires!

  9. Comme j’aime Théodore Monod… J’ai tous ses livres et, quand je marche, je pense souvent à lui. Il était, comme il le dit lui-même dans cet extrait, très clairvoyant. Une qualité rare de nos jours. Il manque.

  10. Lily dit :

    Trouver l’essentiel, c’est la quête de presque toute une vie. Se simplifier, sans s’affadir, se débarrasser du superflu tout en sachant garder dans son coeur … demande un long chemin. Je ne connais Monod que de visage et de réputation, mais j’aime bien les paroles que tu as choisies.

  11. naline dit :

    Tu me donnes envie de relire Th. Monod.
    Merci pour ce beau rappel !

  12. Tout est dit… Il faut absolument de je lise cet écrivain. Merci pour ce bel extrait.

  13. Poussy dit :

    A 90 ans, il était dans le désert, dormant sous la tente dans son sac de couchage pour étudier les pierres et minéraux empreints de si grande spiritualité, sa personnalité est inoubliable.

    Que de prodiges dans ce monde, que de beauté, partout.

    Bises du soir, espoir.

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