Musique du printemps…

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« … Non, il n’est pas en ton pouvoir de faire éclore le bouton.

Secoue-le, frappe-le : tu n’auras pas la puissance de l’ouvrir.

Tes mains l’abîment ; tu en déchires les pétales et les jettes dans la poussière.

Mais aucune couleur n’apparaît, et aucun parfum.

Ah ! Il ne t’appartient pas de le faire fleurir.

Celui qui fait éclore la fleur travaille si simplement.

Il y jette un regard, et la sève de vie coule dans ses veines.

À son haleine, la fleur déploie ses ailes et se balance au gré du vent.

Comme un désir du cœur, sa couleur éclate, et son parfum trahit un doux secret.

Celui qui fait éclore la fleur travaille si simplement…

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… L’âme du poète danse et plane, sur les vagues de la vie parmi les voix des marées et des vents.

Maintenant que le soleil s’est couché et que le ciel obscurci s’abaisse sur la mer comme de longs cils sur des yeux fatigués, c’est l’heure où le poète, posant sa plume, laisse ses pensées s’enfuir vers les insondables profondeurs du silence éternel et secret…

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… Le parfum du bouton s’écria : « Le jour s’enfuit, ah, le jour heureux du printemps, et je suis le prisonnier des pétales ! »

Ne perds point courage, humble petite chose !

Tes liens éclateront, le bouton s’épanouira en fleur, et quand tu te faneras en pleine vie, le printemps, même alors, t’aura survécu.

Le parfum palpite et s’inquiète dans le bouton, criant : « Ah, les heures passent, et je ne sais pas encore où je vais ni ce que je cherche ! »

Ne perds pas courage, humble petite chose !

La brise printanière a devancé ton désir, et le jour ne finira point que tu n’aies accompli ta destinée.

L’avenir semble obscur au parfum et il s’écrie : « Ah, si ma vie n’a point de sens, à qui la faute ?

Qui peut me dire pourquoi j’existe ? »

Ne perds pas courage, humble petite chose.

L’aube parfaite est proche, où tu mêleras ta vie à la Vie éternelle, et où tu connaîtras enfin le pourquoi de ton existence…

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… Écoute, mon cœur ; dans cette flûte chante la musique du parfum des fleurs sauvages, des feuilles étincelantes et de l’eau qui brille ; la musique d’ombres sonores d’un bruit d’ailes et d’abeilles… »

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Extraits de : « La corbeille de fruits »  Rabindranath Tagore 1861-1941.

Illustrations : 1/« Rose et Sceau de Salomon-Livre des médecines simples »  Robinet Testard 1470-1531  2/« Carte du monde-Atlas »  Battista Agnese 1514-1564  3/« Enluminure-Bible de Borso d’Este »  Taddeo Crivelli 1425-1479.

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Vivre le souffle du printemps dans notre cœur…

BVJ – Plumes d’Anges.

8 commentaires sur “Musique du printemps…”

  1. Daniel dit :

    Après avoir lu le texte, je savais qu’il était écrit par Rabindranath Tagore. Son style est reconnaissable entre tous. Quel poète. Ses images sont toujours évocatrices.

  2. Dominique dit :

    Bon ben moi je n’avais rien deviné mais je vais m’améliorer 🙂

  3. Aifelle dit :

    Je n’avais pas deviné non plus, mais qu’est-ce que c’est beau 🙂 Et les illustrations, une merveille, merci Brigitte, bonne après-midi.

  4. Ariaga dit :

    Une magnifique citation de ce divin poète. Merci.

  5. LOU dit :

    J’ai aperçu, dans la pénombre de la nuit qui tombait, de ravissantes clochettes dédiées au joli mois de mai. Y a pu de saison ma pôv dame, et la nature en perd le Nord ! Les pivoines arbustives déclinent déjà sous l’ardeur des rayons d’ici. 😉 et 🙁

  6. Le Printemps revient, j’écoute la musique des airs qui éveille la Nature.
    Au lever du soleil, tous les matins, un petit oiseau vient chanter dans mon jardin.
    Quelle joie !
    Bises ma grande poétesse 🙂

  7. Naline dit :

    Quel texte magnifique ! Merci Brigitte de me l’avoir rappelé. Je m’en vais relire cet ouvrage.

  8. angedra dit :

    Merci de me faire découvrir ce poète avec ce magnifique poème. Je garde ce parfum pour le reste de ma journée printanière.

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