Don…

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« … Ce compagnon de ma jeunesse indépendante me fut profitable, et la vie, avec ses hasards, ses duretés, ses offenses à nos goûts par les dures obligations de la nécessité, l’éloigna plus tard de la peinture. Combien d’autres, encore pleins de dons naturels, vont se perdre et se fondre à la suite d’hommes quelconques ! Nous naissons tous avec un autre homme en nous, en puissance, que la volonté maintient, cultive et sauve – ou ne sauve pas. On ne sait point, on ne saura jamais, ce qui fait que celui-ci sera un artiste, cet autre un financier, ou un fonctionnaire, bien que partis ensemble, auréolés des mêmes virtualités. C’est là un point insondable, irréductible. La fortune ou la pauvreté n’y sont pas un obstacle : on a son âme partout ; on dispose d’une matière partout. C’est affaire de conduite intérieure, hors des faiblesses de la vanité ou des égarements de l’orgueil. Il y a des artistes de génie dans la misère, il y en a d’autres dans l’opulence. La fin d’une destinée est en soi-même ; elle suit des chemins cachés que le monde ne sait pas : ils sont remplis de fleurs ou d’épines…

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La musique façonne notre âme dans la jeunesse, et l’on reste fidèle, plus tard, aux premières émotions ; la musique les renouvelle comme une sorte de résurrection…

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… C’est en hiver que la musique a son plus grand prestige, elle plait surtout le soir, d’accord avec le silence pour plaire à l’imagination qu’elle éveille ; c’est l’art nocturne, l’art du rêve, mais le tableau vient du soleil. Il naît avec le jour et la lumière…

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… L’artiste vient à la vie pour un accomplissement qui est mystérieux. Il est un accident. Rien ne l’attend dans le monde social. Il naît tout nu sur la paille sans qu’une mère ait préparé ses langes. Dès qu’il donne, jeune ou vieux, la fleur rare de l’originalité – qui est et doit être une fleur unique – le parfum de cette fleur inconnue troublera les têtes et tout le monde s’en écartera. De là, pour l’artiste, un isolement fatal, tragique même ; de là, l’irrémédiable et triste inquiétude qui enveloppe sa jeunesse et même son enfance et qui le rend farouche quelquefois jusqu’au jour où il trouvera par affinité des êtres qui le comprendront.

Il vaudrait mieux ne point parler de ces douloureuses origines : les connaître ne changerait rien. Quelque chose du destin ou de la nécessité assigne à chacun sa route, au cours de laquelle des difficultés plus ou moins grandes se rencontrent pour nous, comme pour tout le monde. Ce n’est pas la justice qui nous importe, c’est l’amour… »

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Extraits de : « À soi-même »  Odilon Redon.

Illustrations : 1/« Cellule d’or »  2/ »Panneau floral » 3/Béatrice » Odilon Redon 1840-1916 .

Vous trouverez la biographie d’ Odilon Redon : ICI

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Se révéler à soi-même…

BVJ – Plumes d’Anges.

9 commentaires sur “Don…”

  1. Bonjour Brigitte,

    …merci pour cette explosion de couleurs, dès lundi matin !

    Dans ses pastels, Odilon Redon évoque la nature et la vie.
    J’aime tout particulièrement ses bouquets multicolores où il a su donner une âme aux fleurs des champs.

    Très belle journée.

  2. Dominique dit :

    magnifique
    Ce n’est pas la justice qui nous importe c’est l’amour, Camus l’a dit autrement mais l’idée était la même « entre la justice et ma mère …. »

  3. Phène dit :

    Bonjour chère Brigitte,
    Très joli texte où le don de soi est magnifiquement illustré tout en subtiles touches colorées… Belle journée, âmie. Bien à Toi

  4. Aifelle dit :

    Je ne manque jamais d’aller voir les oeuvres d’Odilon Redon quand je vais au musée d’Orsay, particulièrement son Boudha.

  5. Mathilde dit :

    Merci Brigitte pour ces couleurs et la profondeur de ces lignes tracées un peu comme celles de la main qui
     » soi-disant  » sont les chemins de notre destin…
    J’ aime beaucoup la conclusion..:-))
    Bisous Brigitte

  6. Calou dit :

    je suis fan du second tableau !!!

  7. Alba dit :

    En lisant ton billet je me disais ces images ont eu une influence Odilon Redon. Et oui…
    Bonne journée.

  8. Lily dit :

    Ainsi ce peintre écrivait. Une belle réflexion sur l’originalité et la difficulté pour les êtres sensibles de l’assumer. Mais lorsqu’on trouve enfin la compréhension, l’affinité, on peut laisser aller ses élans créateurs. Je ne connaissais de cet homme que sa belle « Intériorité » et un bouquet de fleurs dans un vase, mais les tableaux que tu nous montres sont lumineux comme l’or du don, de la vie donnée.

  9. Evelyne dit :

    Un être touché par la Lumière. Merci Brigitte pour ce beau texte.

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