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… » Il y a une forme de légèreté et de grâce dans le simple fait d’exister, au-delà des engagements politiques et de tous ordres, et c’est uniquement de cela que j’ai voulu rendre compte. De ce petit plus qui nous est donné à tous : le sel de la vie…
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… Avoir une prédilection pour ce qui se murmure, se chuchote, parvient à l’oreille comme des gouttes de cristal coulant le long des stalactites, vivre dans la fidélité à ses idées, ses amis, ses amours, avoir de grandes bouffées d’enthousiasme mais aussi d’inquiétude…
… jouer avec ses doigts, parvenir à se sentir comme une pierre close sur elle-même et dans sa vie dans les moments d’intense frayeur, inconfort ou émoi, frapper à une haute porte en bois avec un heurtoir de cuivre, fermer les yeux pour mieux entendre le bruit du vent dans les hauts peupliers de Bodélio et en sentir le souffle sur son visage…
… se faire donner un sou pour ne pas couper l’amitié quand on a offert à quelqu’un un couteau ou un coupe-papier, goûter les saillies spirituelles, les traits d’humour, même les facéties ou l’ironie, mais détester le sarcasme, repérer d’instinct l’insolite, l’incongru, la discordance, la lueur du bizarre qui passe en un éclair, mais aussi le mouvement plein de grâce, le joli geste de la main, la façon souple de se relever d’un fauteuil, savoir que réfléchir fait passer le temps à toute allure et qu’on en sort tout décontenancé, aimer le menton pointu de Gloria Grahame, son œil qui pétille et son rire en cascade, craindre les sables mouvants ou le sol qui s’éboule ou le pied qui tourne ou partir à la renverse ou les marches hautes et étroites des pyramides de Mexico, avoir fait de somptueux bouquets d’hortensias, répondre par un sourire à la silencieuse interrogation des tout jeunes bébés : « Mais qui es-tu ? ».
Comme vous pouvez le constater, très cher Jean-Charles, il ne s’agit pas là de hautes spéculations métaphysiques ni de réflexions très profondes sur la vanité de l’existence ni de l’intimité brûlante de tout un chacun. Il s’agit tout simplement de la manière de faire de chaque épisode de sa vie un trésor de beauté et de grâce qui s’accroît sans cesse, tout seul, et où l’on peut se ressourcer chaque jour…
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… L’évènement s’envole, mais reste l’essentiel, inscrit dans le corps, qui ressurgit au charme furtif d’une évocation, au frisson d’une sensation, à la force étonnamment vive et parfois incompréhensible d’une émotion…
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… Le monde existe à travers nos sens avant d’exister de façon ordonnée dans notre pensée et il nous faut tout faire pour conserver au fil de l’existence cette faculté créatrice de sens : voir, écouter, observer, entendre, toucher, caresser, sentir, humer, goûter, avoir du « goût » pour tout, pour les autres, pour la vie. »
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Extraits de : « Le sel de la vie » 2012 Françoise Héritier.
Tableaux : 1/« Jeune femme lisant une lettre » Alfred Edward Chalon 1780-1860 2/« Cinq chatons autour d’un bocal » Louis Eugène Lambert 1825-1900 3/« Fleurs d’été et fruits » Henry Fantin-Latour 1836-1904.
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Inventorier les mille et un instants d’une journée qui font notre richesse…
BVJ – Plumes d’Anges.
tu as l’art d’associer de jolis textes à de belles peintures comme nulle autre , j’y prends un grand plaisir à découvrir ces mariages heureux !
Brigitte, je voulais te le dire, devant ces mots d’amour que tu as choisis pour nous, je ressens la splendeur du vivant.
Et je m’en vais faire des bouquets et observer la grâce!…..
Je t’embrasse fort.
Bon dimanche !
Légèreté et grâce… deux mots qui me parlent beaucoup ! Merci pour ce billet si doux !
Quel texte splendide qui décrypte si bien les émotions, la vie ! J’ai plaisir à lire un texte si profond accompagné de belles peintures. Celle de Fantin Latour possède une luminosité qui me touche.
Magnifique texte, à moins que tu me dises de ne pas le faire, je m’offre ce livre.Bien sûr, les illustrations le mettent encore plus en relief, un mariage réussi entre les deux!
Je viens d’emprunter et de lire ce petit trésor où j’ai aimé picorer et m’abreuver à des sources. Bien sûr certains passages me rejoignent plus que d’autres … Je viens d’en faire un billet avec un lien vers le tien. Amicalement.
Comme tu me donnes envie de découvrir cette auteur…tout en sensibilité , en douceur…
Quelles belles recettes pour notre monde malade du manque d ‘aimer…:-))
Il est à la médiathèque …Youpi..!!
Bisous et amitiés sur les murmures du vent