Divin bon sens…

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 » Pour que le caractère d’un être humain dévoile des qualités vraiment exceptionnelles, il faut avoir la bonne fortune de pouvoir observer son action pendant de longues années. Si cette action est dépouillée de tout égoïsme, si l’idée qui la dirige est d’une générosité sans exemple, s’il est absolument certain qu’elle n’a cherché de récompense nulle part et qu’au surplus elle ait laissé sur le monde des marques visibles, on est alors, sans risque d’erreurs, devant un caractère inoubliable…

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… C’était un beau jour de juin avec grand soleil, mais sur ces terres sans abri et hautes dans le ciel, le vent soufflait avec une brutalité insupportable…

… Il me sembla apercevoir dans le lointain une petite silhouette noire, debout. Je la pris pour le tronc d’un arbre solitaire. A tout hasard, je me dirigeai vers elle. C’était un berger. Une trentaine de moutons couchés sur la terre brûlante se reposaient près de lui…

… Le berger qui ne fumait pas alla chercher un petit sac et déversa sur la table un tas de glands. Il se mit à les examiner l’un après l’autre avec beaucoup d’attention, séparant les bons des mauvais…

… La société de cet homme donnait la paix…

… Arrivé à l’endroit où il désirait aller, il se mit à planter sa tringle de fer dans la terre. Il faisait ainsi un trou dans lequel il mettait un gland, puis il rebouchait le trou. Il plantait des chênes…

… Il s’était retiré dans la solitude où il prenait plaisir à vivre lentement, avec ses brebis et son chien. Il avait jugé que ce pays mourait par manque d’arbres. Il ajouta que, n’ayant pas d’occupations très importantes, il avait résolu de remédier à cet état de choses…

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… Je lui dis que, dans trente ans, ces dix mille chênes seraient magnifiques. Il me répondit très simplement que, si Dieu lui prêtait vie, dans trente ans, il en aurait planté tellement d’autres que ces dix mille seraient comme une goutte d’eau dans la mer…

… Il étudiait déjà, d’ailleurs, la reproduction des hêtres et il avait près de sa maison une pépinière issue des faînes. Les sujets qu’il avait protégés de ses moutons par une barrière en grillage, étaient de toute beauté…

… Le côté d’où nous venions était couvert d’arbres de six à sept mètres de haut. Je me souvenais de l’aspect du pays en 1913 : le désert… Le travail paisible et régulier, l’air vif des hauteurs, la frugalité et surtout la sérénité de l’âme avaient donné à ce vieillard une santé presque solennelle. C’était un athlète de Dieu. Je me demandais combien d’hectares il allait encore couvrir d’arbres…

… Sur l’emplacement des ruines que j’avais vues en 1913, s’élèvent maintenant des fermes propres, bien crépies, qui dénotent une vie heureuse et confortable. Les vieilles sources, alimentées par les pluies et les neiges que retiennent les forêts, se sont remises à couler. On en a canalisé les eaux. A côté de chaque ferme, dans des bosquets d’érables, les bassins des fontaines débordent sur des tapis de menthes fraîches. Les villages se sont reconstruits peu à peu…

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… Quand je réfléchis qu’un homme seul, réduit à ses simples ressources physiques et morales, a suffi pour faire surgir du désert ce pays de Canaan, je trouve que, malgré tout, la condition humaine est admirable. Mais, quand je fais le compte de tout ce qu’il a fallu de constance dans la grandeur d’âme et d’acharnement dans la générosité pour obtenir ce résultat, je suis pris d’un immense respect pour ce vieux paysan sans culture qui a su mener à bien cette œuvre digne de Dieu… »

Extraits de la MERVEILLEUSE nouvelle  : « L’Homme qui plantait des arbres »  Jean Giono  1895-1970.

Tableaux : 1/« Paysage avec moutons »  Franz van Severdonck 1809-1889  2/« Berger et troupeau »  Félix-Saturnin Brissot de Warville 1818-1892  3/« Forêt »  Ivan Chichkine 1831-1898.

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Retrouver notre divin bon sens…

BVJ – Plumes d’Anges.

7 commentaires sur “Divin bon sens…”

  1. Dominique dit :

    Je prépare un petit séjour au pays de Giono si dieu le veut en mai et pour l’occasion j’ai « écouté » ce texte là qui tient en lui tout Giono !

  2. Aifelle dit :

    Un texte dont on ne se lasse pas et dont on ferait bien de s’inspirer aujourd’hui au lieu de continuer à bétonner partout.

  3. Un texte sublime à méditer, dans notre monde si égoïste….

  4. naline dit :

    Je ne connais pas cette nouvelle de Giono. Merci de me la faire découvrir… je m’en vais à sa recherche !
    Bonne semaine à toi !

  5. solveig dit :

    je vis « presque » dans ce pays et j’y sens l’âme de Giono, pourtant le climat est parfois rude, tant dans la chaleur que dans la froidure, mais les petits chênes font front avec vaillance.
    Merci pour ce beau texte.
    Bisous à toi.

  6. Christelle dit :

    Il y a des mots lourds de sens que l’on oublie d’appliquer aujourd’hui …quel dommage !
    Merci de nous les rappeler !

  7. Poussy dit :

    Que notre joie demeure devant les vraies richesses, devant les arbres et ceux qui les plantent, dans cette Provence que j’aime d’amour et partout ailleurs dans le monde…

    Celui de Jean Giono est immense et essentiel, l’émotion que j’ai eue à 14 ans en le découvrant avec « Un de Baumugnes »!

    Que notre joie demeure devant tout cela.

    Je t’embrasse Brigitte, merci pour les agneaux, les moutons, les bergers et les chênes séculaires comme ceux d’hier.

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