Chemins de quête…

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« … Lorsqu’on est en quête de sagesse et de vérité, vaut-il mieux les chercher sur les chemins hasardeux du monde ou choisir de s’isoler en quelque grotte, en quelque ermitage ou sur quelque colonne pour y affronter les épreuves et les aléas qu’elles imposent ? Une chose est sûre : en ce siècle de continuelle bougeotte, de déplacements,  changements, affairements, enfièvrements constants, vivre immobile sur une colonne ou un rocher ne semble guère la solution  la plus appropriée…

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… Ancelot et lui venaient de s’installer sur une souche lorsque, d’un buisson tout proche, émergea un échassier… Thoustra et Ancelot restèrent bec et bouche bées devant cette apparition qui, à peine arrivée devant eux, entama une danse lente et grave (…) Ancelot se trouvait de nouveau face au mystère, et cette fois au mystère du silence. À moins que tous les évènements vécus et tous les êtres, figures ou personnages rencontrés n’aient été une fois de plus les décors et acteurs d’une incroyable farce excluant toute énigme. Qui sait si le secret de ces éventuelles facéties du destin ne résidait pas là même où l’on l’attendait le moins et pourquoi pas justement dans ces danses de grues ? Qui sait si la damoiselle ou dame oiselle par ce ballet si minutieux, ces mouvements si ingénieux ne lui avait pas indiqué, peut-être même dessiné sur le sol sans qu’il s’en aperçoive le tracé du chemin tant espéré et recherché ? Comme l’avait fait jadis, à Délos, un certain Thésée, après avoir vaincu le Minotaure au cœur du labyrinthe et en être ressorti grâce à la complicité d’Ariane. On dit que pour fêter cette victoire et l’inscrire désormais dans la mémoire des hommes, il avait exécuté une danse rappelant son cheminement labyrinthique et sa sortie victorieuse au soleil, danse qu’on ne cessa de reprendre en Grèce sous le nom de danse de la Grue ! Qui sait si ce n’était pas cette danse  qu’avait exécutée la demoiselle pour indiquer à Ancelot le secret des chemins de la forêt d’Orient ? Pourquoi n’y avait-il pas prêté plus d’attention ? L’éblouissement éprouvé alors l’avait aveuglé au lieu de l’éclairer. Or, si on veut trouver le chemin des lumières, il faut être lucide et non ébloui… »

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Étonnante lecture qui nous transporte vraiment au pays des songes, tout y est improbable  mais tout y est métaphore ! La forêt d’Orient se fait enchanteresse, la poésie brode une douce empreinte au fil des pages et comme toujours avec ce magnifique auteur aujourd’hui disparu, il faut un dictionnaire près de soi tant la richesse de son vocabulaire est grande… (enfin, je parle pour moi !). Et cette phrase : « si on veut trouver le chemin des lumières, il faut être lucide et non ébloui « , là est, il me semble, la qualité indispensable pour marcher sur un vrai chemin de quête…

Extraits de : « Dans la forêt des songes »  Jacques Lacarrière  1925-2005.

Illustration : 1/« Grue » et « Cœurs de Marie » Kawahara Keiga  1786-1860.

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Ne pas se laisser éblouir…

BVJ – Plumes d’Anges.

12 commentaires sur “Chemins de quête…”

  1. Merci Brigitte pour ce beau texte et tes illustrations si raffinées !
    Je ne connaissais pas la danse de Thésée, immortalisant son combat gagné. Elle préfigure sûrement celle de nos sportifs sur le terrain après un record battu, une victoire.
    C’est vraiment agréable de lire de bon matin une littérature choisie qui nous transporte !
    Belle journée à toi et aux tiens, je t’embrasse. Claudie.

  2. Aifelle dit :

    Ce cher Jacques Lacarrière ! Je ne connais pas ce texte-là, je suis allée voir le résumé sur internet. C’est étrange et très tentant. Bonne semaine Brigitte, bises 🙂

  3. Plumes d'Anges dit :

    POUR INFO : J’en profite pour dire que le titre de livre dont les extraits sont cités, apparaissant en blanc en bas du billet, correspond à un lien vers ce livre et son résumé…

  4. Superbe maxime en effet ! Merci pour ce beau texte et ces illustrations toujours magiques ! Bonne journée à toi.

  5. Dominique dit :

    je n’ai pas lu ce texte là mais c’est une petite merveille comme d’habitude avec Lacarrière

  6. Adrienne dit :

    magnifique! les illustrations sont de toute beauté

  7. eki eder dit :

    très belle l’illustration de la fleur du coeur de Marie.
    bonne soirée Brigitte

  8. Célestine dit :

    Un pays des songes métaphoriques…
    J’y suis dans mon élément !
    Merci ma Plume
    •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

  9. daniel dit :

    Lucidité ! Ne pas vivre dans l’illusion et faire bien attention à son mental!

  10. claudeleloire dit :

    un auteur qu’il me reste à découvrir … j’aime beaucoup cette phrase « il faut être lucide et non ébloui »
    il serait bon que nous y prenions garde …
    amitié .

  11. Tania dit :

    Belle conclusion pour ce billet que tes illustrations si bien choisies et si bien présentées transforment en tour de magie.

  12. Fiorenza dit :

    Le nom de Jacques Lacarrière me fait toujours rêver !

    Une rencontre dans ma jeunesse avec l’auteur de « Chemin faisant » : c’était à Saint-Malo
    lors du festival « Étonnants voyageurs », il avait un visage et une présence inoubliables !

    Il semblait si bienveillant, si fort et si doux à la fois !
    J’aurais pu, j’aurais dû lui parler…je n’ai pas osé et je le regrette encore aujourd’hui !

    Sur le chemin des Lumières, j’avais manqué de LUCIDITÉ !

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