Coïncidences…

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« … Le moineau de Chine a les yeux tout noirs. Les paupières sont bordées d’une fine ligne d’un rose tendre, comme si on avait cousu un fil de soie. À chaque battement de paupières, les deux fils se rejoignent aussitôt pour n’en former qu’un. Mais déjà, l’œil s’arrondit de nouveau. À peine avais-je sorti la cage, l’oiseau a mis la tête de côté et ses yeux noirs se sont tournés vers moi pour la première fois. Puis, il a pépié doucement…

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… L’oiseau a remué deux ou trois fois sa tête ronde. Peu après, la petite masse blanche a quitté le perchoir. À peine un battement d’ailes, et les ongles de ses pattes délicates se sont accrochés au rebord de la mangeoire. Le minuscule récipient qui pourtant semblait près de se renverser sous mon petit doigt était aussi immobile que la cloche d’un temple, c’est dire à quel point le moineau de Chine est léger. J’ai cru voir voltiger devant moi l’âme d’un flocon de neige…

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Un jour, tandis que j’étais dans mon bureau, occupé comme d’habitude à confier au papier des choses mélancoliques, un bruit étrange est parvenu à mon oreille. La véranda bruissait. On aurait d’abord pu croire qu’une femme avançait en retenant le bas de son kimono de soie, mais le froissement de l’étoffe sur le plancher était par trop vif pour un simple bas de robe. J’ai alors comparé ce bruit au crissement des plis de l’ample pantalon que porte le chambellan, lors de la fête des Poupées, évoquant le glissement de la soie sur les marches du palais fictif. Laissant mon roman, je suis sorti sous la véranda, le stylo entre les doigts : le moineau de Chine prenait son bain.

L’eau venait d’être changée. L’oiseau avait plongé ses fines pattes délicates au milieu de la petite baignoire et il enfonçait son plumage dans l’eau jusqu’au jabot. De temps à autre, il déployait ses ailes blanches, se penchait légèrement comme pour s’accroupir, appuyait son ventre sur l’eau, et il secouait d’un seul mouvement son plumage. Puis, il s’est posé avec douceur sur le bord du récipient. Au bout d’un moment, il a de nouveau plongé. Le diamètre du bassin ne dépassait pas deux pouces. Quand il avait plongé, sa queue dépassait, sa tête dépassait, son dos aussi naturellement. Seules les pattes et la poitrine étaient dans l’eau, ce qui ne l’empêchait pas de faire ses ablutions, méticuleusement… ».

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Dehors le temps était à la pluie… ces nouvelles de Sôseki m’ont enchantée,

j’ai particulièrement apprécié les lignes concernant ce moineau à la triste destinée…

Quel ne fut pas mon étonnement le lendemain quand un ami m’envoya ce petit film,

ce —> bain d’oiseau,

quelle coïncidence tout de même !

Remarquez-vous, vous aussi, dans votre vie, ces étonnants hasards ?

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Extraits de : « Une journée de début d’automne »  Natsume Sôseki  1865 – 1915.

Illustrations : 1/ »Rose »  2/« Moineau friquet »  Kawahara Keiga  1786-1860.

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Noter les coïncidences, elles ont peut-être quelque chose à nous apprendre…

BVJ – Plumes d’Anges.

13 commentaires sur “Coïncidences…”

  1. Fiorenza dit :

    Les hasards emplissent nos vies, ils les tissent indépendamment
    de notre volonté mais qu’en est-il des coïncidences ?

    Vaste question, chère Brigitte !

    Les coïncidences seraient peut-être tout simplement
    l’expression de notre créativité, le regard que nous portons
    sur les êtres et les choses, l’attention au monde qui nous entoure …

    Coïncidence, autre nom de la sensibilité ???

  2. daniel dit :

    Quelle adorable video. La vie est faite de beaucoup de coïncidences, mais , trop pris par nos pensées, nous ne les voyons pas ! C’est pour cela qu’il faut ouvrir son être et se dégager un peu de son égo.

  3. Dominique dit :

    ola ola ola je n’ai jamais lu ce livre et manifestement il est fait pour moi
    c’est évidement noté croies le bien

  4. Tania dit :

    Je serai brève : quelle plume ! quelles plumes !

  5. Colo dit :

    Les coïncidences nous font relier les choses entre elles, elles prennent alors plus de sens, enfin je trouve:-)

    Cette vidéo m’a enchantée après avoir lu l’extrait: ce doit être si émouvant d’avoir un oiseau se baigner dans nos mains!
    Bonne journée Brigitte.

  6. Ces hasards (du moins c’est ainsi qu’on les appelle) sont le sel de la vie, et souvent de la poésie.
    Merci pour cet article, vraiment enchanteur.
    Bonne journée.

  7. Binh An dit :

    J’ai lu ces extraits lentement. Que c’est joli ! Puis le dessin magnifique. Et la vidéo! Tu es comblée ! C’est admirable que tout ça t’arrive, comme ça!
    Et je me dis: quelle chance pour moi! Que je suis venu te voir là, aujourd’hui, maintenant !

  8. Ulysse dit :

    J’aime cette image de pâme d’un flocon de neige ! Quant aux heureuses coïncidences elles me paraissent normales car nous ne sommes qu’un ballet d’atomes perpétuellement et secrètement reliés
    Bon week end Brigitte

  9. Adrienne dit :

    je me demande chaque fois où/comment tu continues à les trouver, ces beaux extraits, ces magnifiques illustrations…
    esthétique, littéraire et philosophique, j’aime 🙂

  10. Aifelle dit :

    Un livre de Sôseki que je n’ai pas et qu’il va me falloir 😉 Je suis justement nostalgique en ce moment de ces écrits japonais si délicats et proches de la nature. Le bain d’oiseau est une merveille, quelle confiance dans les mains de son maître ! Bon week-end Brigitte, bises.

  11. Poussy dit :

    Un oiseau-chamane qui sait tout de la confiance, son maître-disciple, et ton ami (le mien aussi) qui prouve que les coïncidences sont des bouffées de tendresse de la vie, 3 émissaires du peuple de l’amour, cqfd, cercle parfait, éblouissant!
    Je t’embrasse ma doucette

  12. Merci Brigitte pour ton texte, et cette vidéo qui va enchanter ma mère. Elle avait un chardonneret apprivoisé lorsqu’elle était petite et m’en a souvent parlé !!
    Et sur mon blog roll, tu es juste avant Marie de « Belette Print », qui nous présente un magnifique tampon ….de chardonneret ! Une belle surprise, dans la seconde où j’ai quitté ton blog, je suis passée à l’illustration parfaite en tampon de ton petit film ! Des coïncidences en chaine ! Je t’embrasse. Bon dimanche. Claudie.

  13. Carmen dit :

    J’avais lu ces nouvelles. Délicatesse des descriptions, jamais ennuyeuses. Dire les choses sensibles est tout un Art ! La vidéo me réjouit. J’adore les oiseaux. Ce chardonneret est vraiment en confiance et quand on donne autant d’attention à un oiseau on est vraiment dans l’instant présent. C’est merveilleux !

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