Harmonieux accords…

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MILLE ET UNIÈME BILLET…

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« … Le plus grand des grands hommes est souvent celui qui, pour les autres, ne passe pas pour tel, mais ne fait pas de bruit et traverse son existence sur la pointe des pieds ontologiques. Ses combats sont contre lui-même, ses victoires aussi. Ses champs de bataille ? Lui-même encore. Ses embuscades ou ses assauts, ses rixes et ses offensives ? Encore et toujours lui-même…

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Paradoxalement, c’est en portant son individualité à son point d’incandescence que l’homme parvient à l’universel et qu’il devient grand…

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En nos temps démocratiques, le grand homme est celui qui mène seul son chemin. En lui parle l’âme du monde…

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Il publie Walden en 1854. Il s’agit d’un authentique et grand livre de philosophie. On n’y trouve aucun concept, aucun personnage conceptuel, mais une réflexion sur les conditions de possibilités d’une expérience existentielle : comment mener une vie philosophique ? Thoreau n’invite pas à ce qu’on l’imite, mais il montre comment on peut faire, à charge pour chacun d’inventer son chemin, de trouver sa voie.

Grand et vrai livre de philosophie existentiel dis-je. En effet. Thoreau propose ce qu’il nomme une « médecine eupeptique », autrement dit une médecine pour produire du bon, du bien et écarter le mauvais, le mal. Quelle est-elle ? Se féliciter de la splendeur de chaque matin ; opposer une volonté de jouissance au mouvement naturel de la négativité qui nous tire vers le pessimisme ; désirer le bonheur qui n’est pas donné mais à construire ; se mettre ou se remettre au centre de soi ; transformer les inconvénients en avantages ; rechercher le positif dans le négatif ; vouloir faire de sa vie une fête.

Il invite également à refuser « la vie mesquine ». La vie mesquine, c’est la vie tournée vers les fausses valeurs : l’argent, les honneurs, le pouvoir, les richesses, la propriété, la réputation. C’est la vie salie par les vices de la société de consommation : convoiter, acheter, posséder, consommer, remplacer. C’est aussi une vie fausse avec autrui : une vie réduite à la surface, aux apparences, à la mondanité, aux salons, aux bavardages…

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Mener cette vie qu’on dirait aujourd’hui « décroissante », voilà une option politique. Celle qui lui permettait d’écrire dans La Désobéissance civile : « Que votre vie soit le frottement qui arrête la machine. »(…) Au nom de cette même thèse, être le frottement qui arrête la machine, on peut aussi se vouloir une force de résistance plus qu’une force d’inertie. Force d’inertie : vivre dans les bois. Force de résistance : désobéir pour réaliser ce qui nous semble juste. Non plus vivre pour soi, mais vivre contre ce qui empêche de vivre pour soi.

C’est le second temps dans la si brève vie de Thoreau. Le temps de La Désobéissance civile, un très grand petit livre. Je ne sais pas s’il a lu le Discours de la servitude volontaire d’Étienne de La Boétie. C’est peu vraisemblable. (…) L’un et l’autre ouvre la voie d’une pratique politique libertaire radicale – c’est celle dans laquelle je me retrouve. Pas d’appel au crime, au meurtre et au sang chez l’un et chez l’autre ; pas de têtes sur le billot ou au bout des piques pour réaliser la liberté ; pas de guillotine, de terreur, de camp de concentration au nom du bien de ceux qu’on décapite ou qu’on enferme ; pas de massacre des hommes au nom de l’humanité ; pas d’armées, de milices, de soldats tirant sur les hommes pour le bonheur futur – juste une recette extrêmement simple : le pouvoir n’existe que par le consentement de ceux sur lesquels il s’exerce, il suffit de ne plus consentir pour obtenir que le pouvoir s’effondre… »

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Extraits de : « Vivre une vie philosophique – Thoreau le sauvage »   2017  Michel Onfray.

Illustrations : 1/« Montagnes blanches dans le New-Hampshire »  Thomas Doughty  1793-1856  2/« Paysage »  Asher Brown Durand  1796-1886.

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Accorder notre vie et nos pensées…

BVJ – Plumes d’Anges.

17 commentaires sur “Harmonieux accords…”

  1. Fiorenza dit :

    Michel Onfray devient un classique, ne trouvez-vous pas ?

    Son courage de penser contre lui-même, contre les statues imposées
    par la doxa, contre le bruit omniprésent, contre la laideur
    des temples de la consommation le conduisent,
    ouvrage après ouvrage, à opter POUR la simplicité et la densité
    d’une vie franche, dépouillée de tout faux-semblant .

    Le souvenir de son père marque fortement ces lignes,
    bel exemple de transmission pour les générations montantes …

    Avec lui, félicitons-nous de « la splendeur de chaque matin » !

    * Merci encore, chère Brigitte, pour les illustrations de textes

  2. Michel Onfray est TRÈS TRÈS loin d’être ma tasse de thé. Mais Thoreau… oui !
    Alors mille et une pensées, Brigitte, pour ce billet millésimé. Grand-e-s ou petit-e-s, laissons parler en nous l’âme du monde. Amitiés,

    ANNE

  3. Anne dit :

    Bien sûr, j’ai lu Thoreau, le « pape » d’une de mes filles; ceci dit, il est contesté et n’aurait pas vécu la vie qu’on lui prête, mais bon, ses idées sont d’aujourd’hui: écologiques. Je crois que c’est toi qui a un jour cité Alain cadéo; depuis, j’ai lu Zoé et chaque seconde est un murmure; j’adore. CE n’est pas le seul que tu m’auras fait découvrir.
    Alors bravo encore pour le 1000 et 1° billet; et c’et bien dommage pour celles qui ne connaissent pas ton blog, na!

  4. Tania dit :

    Grâce à toi, je feuillette « Walden ou la vie dans les bois » et je retrouve des passages soulignés, comme ce formidable éloge du matin que je copie pour t’en remercier : « Il n’était pas de matin qui ne fût une invitation joyeuse à égaler ma vie en simplicité, et je peux dire en innocence, à la Nature même. (…) Pour celui dont la pensée élastique et vigoureuse marche de pair avec le soleil, le jour est un éternel matin. Peu importe ce que disent les horloges sur les attitudes et travaux des hommes. Le matin, c’est quand je suis éveillé et qu’en moi il est une aube. » (Thoreau)

  5. Dominique dit :

    Voilà une belle façon de commencer ma semaine
    un auteur magnifique dont le journal et Walden m’enchantent toujours lecture après lecture
    Et Michel Onfray qui n’est jamais aussi bon que lorsqu’il se livre à des exercices d’admiration, nettement meilleur que lorsqu’il vocifère

  6. Tania dit :

    Et je reviens pour avoir oublié de me réjouir avec toi et tous tes fidèles de ce 1001e billet – long vol aux Plumes d’Anges dont la présence nous est douce.

  7. angedra dit :

    Longue et merveilleuse vie à ce si joli blog qui ne cesse de nous enchanter, nous faire rêver, réfléchir, au fil du temps…
    Bravo pour cette déjà longue et belle vie !
    Bises

  8. daniel dit :

    Bravo pour le 1000 et unième billet. Quant à Onfray je n’arrive pas à le lire. Il faut dire que je lis de moins en moins. Cela m’interpelle quelque part. Plus le goût à la lecture……

  9. lamangou dit :

    merci de votre billet j’adore le premier groupe des mots , c’est si beau et grand ses hommes et quand on a le bonheur de les rencontrer c’est une joie si profonde qu’elle nous en coupe le gosier

    Thoreau est un de mes auteurs qui est dans ma bibliothéque que j’aime lire souvent

    michel Onfray depuis qu’il a descendu la psychanlyseje suis un peu fermée à lui . Il est si prolixe qu’il saura me rouvrir

    merci de vos visites sur mon blog ravie de vous avoir rencontrer
    je reviendrai lors de mes récré
    cordialement plume d’ange

  10. Ariaga dit :

    Qyand on voit tant de blogs disparaître au profit de médias plus accrocheurs j’ai plaisir à voir avec quel talent tu continues à nous enchanter.Amitiés.

  11. Bravo pour ces mille et un billets Brigitte !
    Et MERCI de partager avec nous tes coups de cœurs littéraires, poétiques et picturaux ! Je retrouve toujours tes pages avec grand plaisir. J’aime aussi les mini-débats qui s’écrivent ici, c’est un riche partage !
    Bises et très bonne semaine. Claudie.

  12. Aifelle dit :

    Merci pour ces mille et un billets Brigitte 🙂 Je suis partante pour les 1000 suivants .. Michel Onfray est tellement intéressant, quand il ne part pas en vrille ; j’aime son côté franc-tireur. Bonne journée.

  13. 1001ème billet ! J’en suis toute épatée, toute émue pour vous…. Si vous en êtes d’accord, je pars pour suivre les 1000 prochains.
    Thoreau… Comment vivre sans lui ? Quant à Michel Onfray, vous me le faites découvrir dans cet extrait sous un autre jour – plus calme, je dirais.
    Merci.
    Bonne journée.

  14. Poussy dit :

    Longue vie à Plumes d’Anges ma bichette, cet espace de paix, de profondeur, de tendresse qui nous est si précieux et si indispensable.
    Tu es un repère lumineux sur la route, une lumière vive et douce, un feu de joie permanent.
    En te lisant, tout se remet à l’endroit et nos âmes s’envolent!
    MERCI, MERCI, MERCI!

  15. Colo dit :

    Ah, un super blog-anniversaire! ici c’est des plus réjouissant de bonheurs divers, on t’en remercie très chaleureusement Brigitte.
    J’aime écouter parler Onfray, j’aime ses idées, le lire est une autre paire de manches. J’ai le plaisir d’avoir à découvrir Thoreau, de magnifiques moments en perspective.
    On s’embrasse pour cet anniversaire?

  16. christinegio dit :

    Belle performance pour une petite plume courageuse qui va son chemin…
    Quand même le grand mérite de Thoreau c’est sa vie… Heureusement, qu’il a pris la plume pour nous la raconter. Partir dans les bois : quel beau geste !
    Jolie soirée.

  17. Célestine dit :

    Mille et un billets ! j’en espère mille et un autres.
    Merci chère Plume
    ¸¸.•*¨*• ☆

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