.
.
« … Chacun perçoit en lui-même – peu importe son degré d’intelligence, peu importe l’état de son esprit – un chant natif qui l’accompagne sans interruption, même si tant de fois, assourdi par le bruit du monde, il ne l’entend plus lui-même. Sous l’injonction de Rilke, qui nous rappelle dans les Sonnets à Orphée que « chanter, c’est être », je dis aussi, avec Claudel reprenant l’interpellation biblique : « N’empêchez pas la musique ! »
En chinois, il existe une expression qui décrit cet état où, vers le soir ou dans la nuit par exemple, la nature semble se recueillir en silence. L’expression possède deux versions : Wan-nai-wu-sheng, « Les dix mille sons se font silence », et Wan-nai-you-sheng, « Les dix mille sons se font entendre ». Ces deux versions apparemment opposées signifient à l’oreille d’un Chinois la même chose. Lorsque le silence se fait, c’est alors qu’on entend chaque son en son essence. Apprenons donc à ne pas nous étourdir de paroles vaines à longueur de jours, à ne pas céder au bruit du monde. Apprenons à entendre la basse continue ponctuant le chant natif qui est en nous, qui gît aux tréfonds de l’âme. Cette âme, capable de résonner avec l’Âme universelle, peut nous étonner par sa vastitude insoupçonnée…
.
.
… Il y a donc le Grand Tout, et il y a chaque âme minuscule. Et tout, depuis toujours, est vécu par chaque âme unique. En dépit des malheurs causés par l’existence du Mal sous tous ses aspects, une immense donation a lieu. Tout le ciel étoilé, toute la terre nourricière, toute la splendeur de l’aube et du soir, toute la gloire du printemps et de l’automne, tout le Souffle animant l’univers porté par le vol d’oiseaux migrateurs, tous les hauts chants humains montés de la vallée des larmes, tout cela constitue un ici et maintenant où l’éternité se ramasse. Cet ici et maintenant ne peut rayonner, irradier, faire fleurir et porter fruit, susciter écho et résonance et, par là, prendre tout son sens que s’il est vécu par une âme. Ainsi, une immense expérience de vie est déposée là, dans l’ensemble de ces âmes qui ne sont nullement des entités vagues ou neutres, vides de contenu. Au contraire, ayant absorbé en elles le génie du corps et de l’esprit, ayant assumé les conditions tragiques de l’existence terrestre, elles sont devenues des entités éminemment incarnées et désirantes – et, partant, des candidates à un autre ordre de vie… »
.
…
Extraits de : « DE L’ÂME » 2016 François Cheng.
Photos BVJ
…..
Accueillir et offrir la beauté du monde…
BVJ – Plumes d’Anges.
La lecture de François Cheng est à chaque fois pour moi un bouleversement complet. Je suis persuadée qu’il a vu, lui aussi, les magnifiques marguerites qui s’offrent au soleil du Printemps.
Bon dimanche.
♫ La musique ♫
♫ La musique est une loi morale ;
Elle donne une âme à l’univers,
Des ailes à la pensée,
Un essor à l’imagination,
Un charme à la tristesse,
De la gaieté et de la vie à toute chose. ♫
♫ Elle est l’essence de l’harmonie,
Qu’elle rétablit et élève
Vers tout ce qui est bon, juste et beau,
Dont elle est, bien qu’invisible,
La forme éblouissante, passionnante, éternelle. ♫
Platon
Quel grand monsieur que François Cheng
j’ai sa poésie dans ma bibliothèque depuis ses premiers livres magnifiquement calligraphiés
un passeur de l’âme
J’ai commencé ce livre il y a trois jours, il n’est pas long mais tellement intense qu’une seule phrase peut produire un émerveillement de plusieurs jours, c’est extraordinaire….
En faisant le tour du jardin, j’ai vu que deux petits lilas qui ne » faisaient rien »depuis des années et que je m’étais résolue à faire disparaître au vu de leur maigre floraison, avaient rassemblé tout leur courage pour se couvrir en quelques jours d’adorables feuilles vert tendre puis de nombreux boutons de fleurs sur toutes leurs branches, comme pour me supplier de les laisser « irradier et rayonner » et me prouver l’existence de leur âme!
Je leur ai promis de ne plus jamais « empêcher leur musique ».
Quelle merveille cette âme universelle, penser qu’elle nous est commune……
Je t’embrasse Brigitte
Le texte est magnifique, mais venant de François Cheng, ce n’est pas étonnant. Bonne semaine Brigitte, bises 🙂
Merci Plumes d’Anges pour ce texte magnifiquement poétique, j’aime beaucoup cet auteur !
Belle semaine, je t’embrasse
Faire le silence en soi pour écouter le chant du monde. C’est une onde sourde qui vibre à l’oreille. Faire le silence en soi afin d’écouter son âme. Elle aussi elle vibre dans l’univers.
Merci pour les beaux extraits. J’ai presque tous ses livres, que je relis souvent. Ceux sur la peinture, en particulier.
Ici, il parle du silence des sages chinois des temps anciens….
Quel bonheur de lire du François Cheng ce matin !
Tu sais, ces petits textes toujours de qualité qui jalonnent ma semaine sont un vrai bonheur !
Je m’installe confortablement…et je savoure.
Merci Brigitte à toi. Bises.
Je lis, je savoure et rien d’autre …
Ce texte est à lire et relire. Tes fleurs sont tellement belles qu’ j’ai envie de les cueillir. Amitiés.
Je lirai ce texte de François Cheng. Ce matin, j’entendais David Le Breton parler du silence et des rencontres dans des mots très justes, simples, vrais. (C’est un plaisir renouvelé, Brigitte, de lire ton blog en me rappelant notre rencontre le mois dernier.)