Forces…

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« … Calmement, clairement, je regarde le monde et je dis : tout cela, que je contemple, que je perçois, que je savoure, que je flaire et que je touche, tout cela est une fiction de mon esprit.

C’est à l’intérieur de mon crâne que se lève et se couche le soleil. À l’une de mes tempes apparaît le soleil, à l’autre il disparaît.

C’est dans mon cerveau que brillent les étoiles…

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… Dieu lutte dans chaque chose, les mains tendues vers la lumière. Quelle lumière ? Celle qui est au-dehors et au-delà de chaque chose !

L’essence de notre Dieu n’est pas seulement la douleur, ni l’espérance d’une vie future, ni cette espérance terrestre, ni la joie ni la victoire. Chaque religion, érigeant en un culte l’un de ces aspects primitifs de Dieu, rétrécit notre cœur et notre esprit.

L’essence de notre Dieu est la LUTTE. Dans cette lutte se déploient et œuvrent sans cesse la douleur, le joie et l’espérance.

L’ascension, le combat contre le courant contraire, engendrent la douleur. Mais la douleur n’est pas le monarque absolu. Chaque victoire, chaque équilibration provisoire au cours de l’ascension emplit de joie chaque être vivant, qui respire, se nourrit, aime et met au monde.

Mais du sein de la joie et de la douleur jaillit éternellement l’espérance d’échapper à la douleur, de dilater la joie.

Et recommence encore l’ascension – la douleur ; la joie revient et l’espérance rejaillit. Jamais le cercle ne se referme. Ce n’est pas un cercle, c’est une spirale qui monte sans arrêt, dilatant, filant et dévidant la lutte des trois éléments.

Quel est le but de cette lutte ? C’est la question que pose le misérable esprit de l’homme, toujours individualiste, oubliant que le Grand Souffle n’œuvre pas dans le temps, l’espace et la causalité de l’homme.

Le Grand Souffle est au-dessus de ces questions humaines. Il a de riches élans, vagabonds, que nous imaginons, à cause de la courte vue de notre esprit, contradictoires. Mais dans l’essence de la divinité, ils fraternisent et se battent tous ensemble, collaborateurs fidèles.

Le souffle primitif se ramifie, se répand, lutte, échoue, réussit, s’exerce. Il est la Rose des Vents !

Nous naviguons nous-aussi et nous voyageons, bon gré mal gré, que nous le sachions ou non, parmi les expériences divines. Ainsi, pour nous aussi, notre marche a des éléments éternels, sans commencement ni fin, elle vient au secours de Dieu, elle court des risques avec lui… »

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Extraits de : « Ascèse »  Nikos Kazantzakis 1883-1957.

Illustrations : 1/« L’aurore » 2/« Iris et l’Arc en ciel »  – Projets pour un plafond –  Felice Giani 1758-1823.

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Naviguer ensemble, vaillamment…

BVJ – Plumes d’Anges.


10 commentaires sur “Forces…”

  1. Dominique dit :

    ah Kazantzakis quel plaisir de le trouver là, pour moi il reste associé à Zorba et au Gréco

  2. daniel dit :

    Nous sommes des pèlerins de l’Univers. Le chemin est parfois tortueux, semé d’embuches. Mais c’est à ce moment que nous progressons le plus. Bon dimanche Brigitte.

  3. Florinette dit :

    Nous nous sommes tellement coupés de cet Univers que nous en avons perdu nos racines, alors qu’il est si vital de danser avec lui pour comprendre que nous faisons partie d’un Tout. Beau dimanche Plumes d’Anges, je t’embrasse

  4. alezandro dit :

     » c’est dans mon cerveau que brillent les étoiles » Sans cette force intérieure, sans l’envie qui doit bruler en nous nous ne progressons pas….

  5. Aifelle dit :

    Kazantzakis, vieux souvenirs … beau texte qui incite à la réflexion et à se reconnecter à ce qui compte vraiment. Bonne semaine Brigitte, bises.

  6. angedra dit :

    Je ne partage pas cette vision de la vie… ni son épitaphe : « Je n’espère rien,
    je ne crains rien, je suis libre. »
    Bonne semaine.

  7. Poussy dit :

    Si émouvant de savoir que nous naviguons « parmi les expériences divines », ça change complètement le sens de tout, tout s’ouvre et se pacifie.
    Accepter de ne pas savoir ni pourquoi ni comment, repousser gentiment les pensées qui ne sont pas vraies pour nous et auxquelles nous décidons pourtant de croire, et contempler ravis notre esprit qui se libère et s’envole!
    Et penser que la lune et les étoiles sont créées pour nous parce que nous les regardons, tout comme le monde et l’au-dela, oh la belle journée, oh oui quelles forces!
    Merci pour tant d’amour.

  8. Lily dit :

    Je n’adhère pas à tous ces propos ( fiction, lutte, etc. ) mais l’auteur me rappelle Zorba et le fameux sirtaki. A l’époque où je l’ai vu je n’ai retenu que ça. Une occasion pour le revoir …

  9. Ariaga dit :

    Un beau texte qui mérite d’être lu et discuté … Amitiés.

  10. Je n’ai pas lu ce livre-là de Kazantzakis. Merci de me le rappeler.
    Bon dimanche.

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