S’ouvrir…

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« Un fakir vivait dans une cabane. Une nuit où la pluie tombait à verse, il fut réveillé par des coups frappés à la porte.

– Il y a quelqu’un dehors, un voyageur. Un ami inconnu cherche un abri.

– Un ami inconnu attend dehors, va lui ouvrir la porte, dit-il à sa femme.

-Mais nous n’avons pas de place, protesta la femme. Cette cabane est déjà trop petite pour nous deux. Où mettre une troisième personne ?

– Ma chère, répondit le fakir, ce logis est tellement petit qu’il ne peut le devenir davantage. Un palais, oui, un palais semble rétrécir chaque fois que quelqu’un y pénètre. Cela ne peut arriver à cette cabane.

– Qu’est-ce que cela a à voir avec notre situation ? rétorqua la femme. Cette hutte est trop petite, un point c’est tout.

– Du moment qu’il y a de la place dans ton cœur, cette cabane sera une maison superbe, dit le fakir. Mais si ton cœur est étroit, même un palais te semblera insuffisant. Ouvre la porte, je t’en prie. Peut-on refuser d’accueillir une personne qui frappe à la porte ? Nous étions couchés, eh bien ! si nous restons assis, il y aura assez de place pour nous trois.

– La femme ouvrit la porte et un homme entra, trempé jusqu’aux os. Ils s’installèrent et se mirent à converser lorsque deux autres voyageurs arrivèrent.

– Le fakir demanda au premier d’ouvrir la porte.

– Ouvrir la porte ? Mais il n’y a plus de place !

Il n’avait pas compris que le fakir ne l’hébergeait pas par affection personnelle, mais tout simplement parce que la cabane était pleine d’amour. Des gens se présentaient à la porte et l’amour les recevait, c’est tout.

L’homme insista :

– N’ouvrons pas, c’est déjà si peu commode de se tenir à trois dans cette hutte !

– Mon ami, dit le fakir, nous avons fait de la place pour toi parce que l’amour règne sous ce toit. L’amour est toujours là, il n’a pas pris fin lorsque tu es arrivé. Ouvre la porte, je t’en prie. Nous nous serrerons les uns contre les autres, c’est aussi simple que cela. Cela nous tiendra au chaud, il fait froid cette nuit.

La porte fut ouverte et deux hommes entrèrent.

Puis ce fut le tour d’un âne qui vint cogner son front contre la porte. Il grelottait, il était tout mouillé, il avait besoin d’aide. Le fakir s’adressa à l’homme qui était assis contre la porte :

– Ouvre, s’il te plait, voici un nouvel ami.

L’homme jeta un coup d’œil dehors et dit :

– Non, ce n’est rien, ce n’est qu’un âne.

– Sais-tu, dit le fakir, qu’à la porte des riches les hommes sont reçus comme des chiens ? Ici tu te trouves dans la cabane d’un pauvre fakir. Nous ne faisons pas de différence entre les gens et les animaux. Ouvre la porte, je te prie.

Les visiteurs protestèrent en chœur :

– Mais il n’y a plus de place !

– Mais si, dit le fakir. Nous resterons debout. S’il le faut j’irai dehors. »

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Histoire citée par Jean-Yves Leloup dans « La grâce et l’absurde » – 1991.

Illustrations : 1/« Arbre et brouillard à l’automne »  Carl Gustav Carus Kahler 1789-1869   2/« Lion au repos »  Akbar XVIème.

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Ouvrir son cœur…

BVJ – Plumes d’Anges.

8 commentaires sur “S’ouvrir…”

  1. Dominique dit :

    j’aime beaucoup Jean Yves Leloup et cette histoire est très belle

  2. naline dit :

    Partager son amour… merci pour ce beau conte !
    Belle fin de semaine !

  3. LOU dit :

    Voilà un bon conte comme j’en lisais jusqu’à l’adolescence. Après, il y avait tant de livres à lire dans les bibliothèques municipale, lycéenne et privée… 😉

  4. Aifelle dit :

    J’ai lu « l’absurde et la grâce » mais je ne me souvenais pas du tout de cette histoire. Il est peut-être temps de le relire. Bon week-end Brigitte. Bises.

  5. daniel dit :

    Lorsque je lis ce conte, je me sens très égoïste !

  6. angedra dit :

    Très belle histoire sur la grandeur de l’amour… mais si cela semble magnifique sur le papier, nous savons que cela est impossible dans la vie.

  7. A voilà l’histoire de ta fameuse cabane 😉 Très belle et qui nous aide à méditer sur notre capacité d’accueil.

  8. Martine dit :

    Un beau conte sur l’amour qui donne à méditer, belle fin de semaine et bises, Martine

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