Regard intérieur…

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« … Chaque maladie est un récit. Ce qui compte, c’est la version que vous vous racontez…

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… N’était-elle pas bizarre, en fait, cette façon que nous avions tous de penser que lorsqu’on est malade il suffit d’aller voir un médecin et de se faire prescrire un médicament ? D’où cela vient-il ?…

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… Déplacées, malvenues, les pensées passaient à tire-d’aile dans mon espace mental, allaient et venaient, çà et là, comme des oiseaux se poursuivant les uns les autres dans le ciel vespéral, se perdant et se retrouvant, faisant la course, tournoyant, se dispersant, se rassemblant, planant un moment puis battant des ailes dans un vol âpre, toujours en mouvement, se traversant et se chevauchant, à des altitudes différentes, des vitesses différentes, tandis que la lumière décline, que le vent se lève et que la pluie crépite sur des feuilles qui bruissent. Alors un par un, finalement, ils commencent à se poser, et disparaissent. Dans un dernier battement d’ailes, une pensée se pose sur son perchoir et se tait. Sur un toit peut-être, ou dans votre poignet, dans votre gorge. Une autre rejoint la première, puis une autre encore. Des pensées qui font bouffer leurs plumes avant de s’immobiliser. Une dernière croasse… puis c’est le silence. Jusqu’à ce que, blotties les unes contre les autres sur leur fil, entre vos oreilles, elles perdent leurs délimitations, se fondent les unes aux autres, deviennent une simple flaque d’ombre duveteuse, d’ombre profonde dans l’obscurité, une couche sous une autre, sous d’autres, tandis que les yeux se ferment derrière des paupières closes, surveillés par des yeux situés plus profond encore, et que l’esprit se découvre enfin transparent ; l’esprit est finalement immobile et clair comme de l’eau claire, et de la tête aux pieds le corps est plein à ras bord d’esprit transparent et sans mots…

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… Il me semblait savoir de quoi il parlait quand il disait que tout circulait, esprit et matière se dissolvant pour se muer en énergie. Il n’était pas non plus impensable que les douleurs étranges que j’avais ressenties aient eu, d’une certaine façon, quelque chose à voir avec toutes ces années passées assis, dans un état de tension, à me creuser la cervelle devant la feuille blanche, à échafauder des espoirs, à me réjouir de petites réussites, à réagir de manière excessive face aux échecs et aux déceptions. Et il était vrai que si l’on se plaçait soi-même, ou que l’on plaçait son attention, en quelque sorte à côté de ces douleurs, si on demeurait en leur compagnie et les laissait tranquilles, sans réagir ni vouloir qu’elles s’en aillent, elles finissaient par s’apaiser. De même pour les pensées : si on les laissait monter à la surface en bouillonnant, sans les juger ni les attaquer d’aucune façon, petit à petit elles tournaient court. En outre on avait la sensation qu’une certaine sérénité avait été gagnée au cours de ce processus, on comprenait qu’une grande part de la douleur que nous ressentons vient de notre réaction à la douleur, une grande part de notre agitation de notre frénésie d’agitation…

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… « Voilà, ai-je fini par dire, on me demande de considérer la vie comme un malheur, une source de souffrance, et d’apprendre à ne pas en vouloir, alors qu’en vérité je la trouve très belle. La vie. Ces collines, les gens ici. Je suis très attaché à tout cela… »… »

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Extraits de : « Le calme retrouvé » 2010  Tim Parks.

Tableaux : 1/« Chants d’oiseaux dans un arbre » et 3/ »Oiseaux au nid »   Michelangelo Meucci 1840-1890   2/« Oiseaux »  Aart Schouman 1710-1790.

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Apaiser nos pensées…

BVJ – Plumes d’Anges.


15 commentaires sur “Regard intérieur…”

  1. De plumes en oiseaux !!!
    Encore un livre réconfort à garder en mémoire en cas de retour de la maladie. Je suis persuadée que moi aussi, j’ai appris beaucoup de choses à son contact. Appris à vivre autrement, souffrir autrement. Et la méditation m’a beaucoup aidée et m’aide encore. Bises

  2. Dominique dit :

    des pensées qui croassent : c’est tout moi certains jours

  3. Florinette dit :

    Très bel extrait !! Et je suis bien d’accord avec lui, car, comme le dit si bien Guy Cornaud qui a eu un cancer : « C’est la vie et sa beauté qui nous interpellent à travers la maladie, ce n’est pas la mort. Et c’est le goût de vivre qui influence notre guérison. »
    Bonne semaine Plumes d’Anges, je t’embrasse

  4. Lily dit :

    Un texte qui aide à prendre de la distance avec ce que nous faisons, à nous recentrer sur l’essentiel, à accueillir la vie et ses appels. Les oiseaux nous aident souvent, même si ils sont petits et leur durée de vie réduite.

  5. Daniel dit :

    Très beau texte !Intéressante la comparaison des pensées avec les oiseaux. C’est tout à fait cela. Ah si on pouvait les laisser s’envoler, quelle tranquillité ! Bonne semaine Brigitte.

  6. Aloysia dit :

    Voilà une réflexion très profonde, surtout de la part d’une personne qui sait se distancier de la douleur ressentie. Merci de nous en avoir fait part, chère Brigitte.

  7. witney dit :

    très bien dit sur la maladie qui enseigne beaucoup, et sur la vie qui se vit, simplement …
    Merci pour ces bons textes et bises

  8. Martine dit :

    Un beau texte et des images qui m’enchantent bien sur! Et le plaisir d’avoir eu ta visite sur le nouveau blog, belle soirée

  9. Aifelle dit :

    Un livre qui est chez moi depuis un moment ; j’avais calé au milieu, épuisée par le milieu médical ! Juste au moment où ça devenait intéressant. Je sais que je le reprendrai un jour.

  10. Ariaga dit :

    Tes choix d’illustration me ravissent …

  11. angedra dit :

    laisser la douleur s’envoler vers les oiseaux et combattre la maladie en accueillant la beauté, la bonté et l’amour de la vie.
    Très belles illustrations.

  12. J’aime beaucoup le deuxième extrait ; il convient parfaitement à ce que je vis en ce moment.
    Merci. A bientôt.

  13. naline dit :

    Prendre le temps de descendre au fond de soi et de retrouver la sérénité. Sans quoi les pensées se bousculent…
    Belle fin de semaine !

  14. Nathanaëlle dit :

    « Le meilleur médicament c’est vous ! », je ne sais pas si tu connais ce livre, du Dr Saldmann, il a raison ! L’esprit a beaucoup de pouvoir sur la matière, sur le corps. Certes, les maladies ne nous laissent pas indemnes, il faut combattre, mais la vie et l’espoir peuvent être les plus forts !
    Merci pour ce très beau texte qui prouve encore une fois la puissance de notre cerveau, de notre envie de vivre.
    Bisous Brigitte

  15. Carmen dit :

    Merci pour ce magnifique texte si bien accompagné par les illustrations !

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