Des marches…

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« … En ville, la ronde des pensées d’Harold s’était figée. Mais maintenant qu’il était revenu en plein air, les images naviguaient de nouveau librement dans son esprit. En marchant, il libérait le passé qu’il cherchait à éviter depuis vingt ans, et ce passé bavardait et folâtrait comme un fou dans sa tête avec son énergie propre.

Harold n’envisageait plus la distance en termes de kilomètres. Il la mesurait avec ses souvenirs…

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… Harold était persuadé que son voyage débutait pour de bon. Il croyait l’avoir entamé au moment où il avait décidé de gagner Berwick à pied, mais il comprenait maintenant qu’il s’était montré naïf. Les départs pouvaient avoir lieu plus d’une fois, ou prendre des formes différentes. On pouvait se croire en train de recommencer alors qu’en réalité ce qu’on faisait continuait comme avant. Il avait affronté ses insuffisances, il les avait surmontées et donc c’était seulement maintenant que les choses sérieuses commençaient pour la marche…

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… Il visita la cathédrale et s’assit dans la lumière froide qui se déversait sur lui. Il se souvenait que des siècles auparavant, des hommes avaient construit des églises, des ponts et des navires qui, à bien y réfléchir, étaient autant d’actes de foi et de folie. Discrètement, il se mit à genoux et sollicita une protection pour ceux qu’il avait laissés derrière lui et ceux qu’il allait rencontrer. Il demanda qu’on lui donne la volonté de poursuivre sa route. Et il s’excusa de ne pas être croyant…

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… Harold fit un bout de chemin avec ces inconnus tout en les écoutant. Il ne portait de jugement sur personne (…) il avait un peu de mal à se souvenir si l’inspecteur des impôts était dépourvu de chaussures ou s’il portait un perroquet sur l’épaule. Tout cela n’avait désormais plus d’importance. Il avait appris que chez les autres, c’était cette petitesse qui l’émerveillait et l’attendrissait, et aussi la solitude que cela impliquait. Le monde était constitué de gens qui mettaient un pied devant l’autre ; et une existence pourrait paraître ordinaire simplement parce qu’il en était ainsi depuis longtemps. Désormais Harold ne pouvait plus croiser un inconnu sans reconnaître que tous étaient pareils et que chacun était unique ; et que c’était cela le dilemme de la condition humaine.

Il marchait d’un pas si sûr que c’était comme s’il avait attendu toute sa vie le moment de se lever de sa chaise…

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… « …Ce rétablissement est quelque choses d’inhabituel. Je ne sais comment vous avez fait. Mais c’est peut-être de cela que le monde a besoin. Moins de raison et plus de foi… »…

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… De nouveau, il ressentit profondément l’impression d’être en même temps à l’intérieur et à l’extérieur de ce qu’il voyait ; d’être à la fois connecté et de passage. Il commença à comprendre que c’était également vrai de sa marche. Il faisait et il ne faisait pas partie des choses (…) Il s’apercevait que lorsque quelqu’un se mettait à l’écart de ce qu’il connaissait et n’était plus qu’un passant, les choses inconnues prenaient un sens nouveau. Dans cette optique, il était important qu’il accepte de suivre son instinct et non pas l’avis des autres…

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… « … Quand on s’arrête et qu’on écoute, on n’a pas de raison d’avoir peur de quoi que ce soit… »… »

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Extraits de : « La lettre qui allait changer le destin d’Harold Fry » 2012  Rachel Joyce.

Tableaux : 1/ »Plage près de Trouville »  2/ »Forêt de Fontainebleau »  3/ »Bord de mer à Palavas »  Gustave Courbet 1819-1877.

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Suivre son intuition…

BVJ – Plumes d’Anges.

9 commentaires sur “Des marches…”

  1. mathilde dit :

    Un très beau voyage que celui de ce matin avec toi …:-)
    Ces lignes parlent à mon âme …je garde précieusement ce texte ..:-)
    Merci et belle journée à toi Brigitte

  2. Aifelle dit :

    Je ne m’étais pas trompée en voyant dans le tableau du haut les couleurs de la Manche ! Je n’ai pas lu le livre. Au vu de l’extrait, il me fait soudain très envie 😉 Bises ensoleillées Brigitte.

  3. Oui, savoir suivre son intuition… Peut-être une des choses les plus difficiles, comme le lâcher-prise. Merci pour ce texte, Brigitte.

  4. Dominique dit :

    une belle façon d’évoquer la marche du temps

  5. Poussy dit :

    Un jour dans un restaurant en Alsace où il y avait un coin « troc de livres » (délicieuse idée, onprend un livre et on le rend ou non ou on en apporte un autre…), Harold Fry m’a tendu les bras.
    J’ai fait avec lui cette marche initiatique qui interpelle incroyablement sur le courage d’etre soi, de toujours avancer pour se connaitre et accomplir ce qui doit l’etre.

    Quel bonheur de le retrouver, hello dear Harold, we’re all following you!

    Thanks from the bottom of my heart.

  6. naline dit :

    Merci pour cette découverte.
    Sur ce, je m’en vais marcher et méditer ton billet.
    Beau dimanche !

  7. Florinette dit :

    J’aime beaucoup les extraits qui montrent que Harold Fry a dû entamer un enrichissant pèlerinage. J’en prends note ! Merci Plume d’Anges et bon dimanche, je t’embrasse

  8. Aloysia dit :

    J’adore ces tableaux de Courbet, tout en m’étonnant de la présence d’eau en forêt de Fontainebleau (il y en a vraiment très peu…) et de la noirceur du Ciel sur Trouville ! Quant au voyage de Harold, il est enrichissant apparemment, et j’aime sa découverte d’être à la fois à l’intérieur et à l’extérieur du paysage… Quand on marche, on découvre parfois de ces choses…

  9. Comme c’est beau, Courbet. Je ne connaissais pas, par contre, le roman dont vous donnez des extraits. Merci.

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