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… »Le bonheur, ce n’est pas une note séparée, c’est la joie que deux notes ont à rebondir l’une contre l’autre. Le malheur c’est quand ça sonne faux, parce que notre note et celle de l’autre ne s’accordent pas. La séparation la plus grave entre les gens, elle est là, nulle par ailleurs : dans les rythmes.
J’ai toujours reconnu d’instinct ceux qui se lèvent avec le jour, même en vacances, et ceux qui restent pour des siècles au lit. J’ai immédiatement craint les premiers. J’ai toujours craint ceux qui partent à l’assaut de leur vie comme si rien n’était plus important que de faire des choses, vite, beaucoup. Ma mère était tellement aimée que ce n’était plus la peine d’occuper toutes les heures du jour. Le monde appartient, dit-on, à ceux qui se lèvent tôt. Ils le font bien sentir que ça leur appartient, le monde, ils en sont assez fiers de leur remue-ménage. Mais quand on est aimée, on s’en fout du monde, on a beaucoup moins besoin d’y faire son tour…
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… Je n’écris pas avec de l’encre. J’écris avec ma légèreté. Je ne sais si je me fais bien entendre : l’encre, je l’achète. Mais la légèreté, il n’y a pas de magasin pour ça. Elle vient ou ne vient pas, c’est selon. Et quand elle ne vient pas, elle est quand même là. Vous comprenez ? La légèreté, elle est partout, dans l’insolente fraîcheur des pluies d’été, sur les ailes d’un livre abandonné au bas d’un lit, dans la rumeur des cloches de monastère à l’heure des offices, une rumeur enfantine et vibrante, dans un prénom mille et mille fois murmuré comme on mâche un brin d’herbe, dans la fée d’une lumière au détour d’un virage sur les routes serpentines du Jura, dans la pauvreté tâtonnante des sonates de Schubert, dans la cérémonie de fermer lentement les volets sur le soir, dans la fine touche de bleu, bleu pâle, bleu-violet, sur les paupières d’un nouveau-né, dans la douceur d’ouvrir une lettre attendue, en différant une seconde l’instant de la lire, dans le bruit des châtaignes explosant sur le sol et dans la maladresse d’un chien glissant sur un étang gelé, j’arrête là, la légèreté, vous voyez bien, elle est partout donnée. Et si en même temps elle est rare, d’une rareté incroyable, c’est qu’il nous manque l’art de recevoir, simplement recevoir ce qui nous est partout donné… »
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Extraits de : « La folle allure » 1995 Christian Bobin.
Illustrations : 1/« Madonne et enfants » Eduard Veith 1858-1925 2/« L’odalisque » (détail) François Boucher 1703-1770 .
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Apprendre à recevoir…
BVJ – Plumes d’Anges.
Oh oui !! De la légèreté encore et encore j’en demande et je revendique le droit à cette légèreté !
C’est vrai que cela est rare et j’ai du mal avec ceux qui en manquent. Ils sont tellement lourds qu’ils « plombent » toute beauté, tout plaisir… ils n’entendent même pas la » rumeur enfantine et vibrante……….. »
Ton texte me fait l’effet d’un bain de fraîcheur et quel plaisir de ressentir cette légèreté si bien décrite.
Merci pour ce moment que j’emporte avec moi.
Je te renouvelle mes souhaits pour cette journée qui fête ton joli prénom.
Heureuse de te retrouver en si « légère » compagnie
Toujours la joie de relire Bobin…………Pourtant…………
Je ne crois pas que Bobin soit léger, ni que la légéreté soit facile à acquérir, ni même qu’elle soit nécessaire, c’est le poids des choses qui leur confère leur valeur; on voudrait des ailes, mais on s’attache au poids du vivant!!!
Bisous!!!
J’aime bien Bobin que je lis aussi mais parfois il m’énerve parfois dans son « bucolisme » un peu facile et puis je suis de ceux qui aiment se lever tôt, non pas pour m’affairer mais pour hûmer le monde à son réveil avant que bruit de la société humaine ne le perturbe. Quel moment délicieux que de cheminer alors que le soleil se lève à peine et de tenir d’une main la nuit qui s’en va et de l’autre le jour qui se lève……
dès les premières lignes, j’ai sauté vers le bas pour voir le nom de l’auteur …. Cher Christian Bobin, je me note prendre un de ses livres à la médiathèque la prochaine fois.
Mon mari pensait que ses mots étaient un peu enfantins …. pourtant un jour il a fait le pas et m’a compris.
Bises
Que c’est bon parfois de s’appartenir un instant, ne pas se jeter dans l’action incessante. Que c’est bon d’ouvrir son coeur à l’autre et d’essayer de jouer la musique de la vie en harmonie avec lui ! Merci pour toutes ces belles chose Brigitte. Amitiés. Joëlle
Quelle justesse dans ses propos ! Il a l’art de décrire avec des mots simples, de traduire les ressentis, les états d’âme… Un plaisir de le lire et de le relire ! Merci pour ce partage ! Bises
Un vrai poète! Comme il écrit bien! Parcourir la vie avec légèreté….Un don du ciel!
On en redemande, de la légèreté. Surtout quand Bobin nous la raconte.
Un thème en écho à ce que j’ai publié aujourd’hui sur mon blog.
Belle soirée, Brigitte, pleine de légèreté !
Dès les premières lignes j’ ai reconnu Bobin …:-)
Merci Brigitte pour tout…j’ ai bien reçu ce souffle d’ air pur qui fait tant de bien à l’ âme ..
De tout coeur je t’ embrasse
Il m’énerve là Bobin, à séparer en deux les lève-tôt et les autres .. comme old nut, je suis une matinale, ce n’est pas pour aller plus vite, ni pour en faire plus, c’est comme ça, c’est mon rythme biologique et après j’adore prendre mon temps. Je savoure surtout le calme et le relatif silence que je n’ai plus après.
Contente de vous savoir de retour.
C’est absolument charmant et l’illustration est très bien choisie. Vraiment agréable alors que j’ai TRÈS chaud. Amitiés.
L’auteur de ce texte est une découverte pour moi. Une très belle découverte.
Merci pour ce partage.
Bise et amitié.
Très beau tableau !
Merci et bisous
Magnifiquement bien écrit, ses mots nous transportent, on se sent plus légère après ! Merci beaucoup Plumes d’Anges pour ce poétique moment. Belle journée, je t’embrasse !