Lumineuse clairière…

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… »Que l’endormissement nous éloigne des ténèbres et nous conduise en des clairières rieuses ou tourmentées, mais toujours éclairées…

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… Il s’absente de ce monde-ci en « presque-dormant » et ainsi, à son aise, divague, songe, rêve, échafaude des théories, affronte d’autres penseurs, élabore de nouveaux concepts…

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… Pour Bachelard, « le repos est une vibration heureuse », précisément celle que je ressens lors de la sieste. Le repos mérité, cet arrêt qui prépare au re-départ, cette halte qui se veut une présence à soi-même, c’est-à-dire une absence d’avec autrui afin de lui être plus disponible, après. La sieste ? Un après incertain conjugué à un avant probable…

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… C’est un moment, plus ou moins long, de MISE-EN-PRÉSENCE-AVEC-SOI par l’absence, momentanée, d’avec le monde. Ce retrait éphémère abrite la réunion, la réunification, la reconstitution provisoire de notre personnalité éclatée, divisée, éparpillée. Cette pause, par le repos qu’elle nous assure et nous procure, contribue à la reconstitution de notre intégrité…

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… La danse, le ballet, la chorégraphie, met en branle le corps, délimite un espace – celui que le corps en mouvement  façonne -, entretient les rythmes, marque l’effort, appelle le repos, tend et détend les muscles, impose une discipline mais convie l’indiscipline, les figures libres, les prouesses gymnastiques, les contorsions improvisées, les échappées fictionnelles… La sieste est un pas, un petit pas dans cette danse, pour rester dans le genre métaphorique, un contre-pas qui vient rythmer l’ensemble, sans l’enfermer dans une mécanique perpétuelle – comme une horloge – une répétitivité, une habitude. Danser sa vie revient à en concevoir les rythmes, à se familiariser avec ses « horloges » neuro-biologiques, à créer les « pas » qui correspondent le mieux à notre personnalité, à réveiller la petite musique qui chante en nous…

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… La libre disposition de son temps est la garantie de son autonomie. Cette individualisation du temps ne consiste pas en un acte d’incivisme, en un refus de respecter les « règles » que toute vie en société édicte, en un mépris d’autrui, en un repli sur son petit confort personnel, mais au contraire, en une volonté d’être dans son temps, afin d’assurer sa présence au monde, AVEC et PARMI les autres. La disponibilité, l’écoute, l’attention ne sont pas des attitudes spontanées et régulières, elles sont d’autant plus denses qu’elles alternent avec des pauses, des haltes, des silences. De la même manière que notre sommeil connaît plusieurs phases, notre activité est cyclique. En avoir conscience est bien, faire ce qu’il faut pour en valoriser les manifestations est un « travail » celui de soi sur soi, pour entrer en relation avec autrui.

Siesteuses, siesteurs, siestez ! »

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Extraits de « L’Art de la sieste » 2008  Thierry Paquot.

Tableaux : 1/ »Jeune berger »  Franz von Lenbach 1836 – 1904  2/ »La classe de danse »  Edgar Degas 1834 – 1917  3/ »Devant la cuisinière »  Albert Anker 1831 – 1910.

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Entendre chanter notre petite musique intérieure…

BVJ – Plumes d’Anges.


7 commentaires sur “Lumineuse clairière…”

  1. Aifelle dit :

    J’apprécie tout particulièrement le dernier paragraphe, à lire et à relire ..

  2. Anne dit :

    Je ne sais pas me reposer, pourtant en Afrique,on devait faire la sieste,mais ma soeur et moi trichions. Une porte close cache bien des mensonges!!
    Merci de ce joli ode à la sieste!!!

  3. Dominique dit :

    Art de la sieste ou éloge de la paresse , ce sont des livres qu’il faut lire et surtout tenter de vivre
    tes choix de peintures sont toujours parfaits

  4. cleophile dit :

    La paresse, retrouver le temps, goûter la lenteur, savourer, la sieste en été, lorsqu’il fait trop chaud, derrière les volets clos, dans la fraîcheur des pièces tenues dans l’ombre c’est un délice. Je me lève une heure plus tôt pour prendre le temps, paradoxe, je dors moins mais pour savourer la lenteur du petit déjeuner, lire un peu, la toilette etc…puis je me couche tard, pour savourer l’heure du thé, un soir calme. Finalement je dors moins pour faire une place à la paresse !!

  5. Evelyne dit :

    C’est ainsi que commence la visite du Mauritshuis de La Haye.
    Un beau thème.
    Anker est à l’honneur chez moi aussi.

  6. alba dit :

    « Le repos est une vibration heureuse »

    Oh ! combien d´accord.

  7. karine dit :

    Des mots qui enchantent l’esprit toujours si joliment illustrés! En lisant cette belle note, j’ai pensé à une émission que j’aime: Sur les épaules de Darwin le samedi matin à 11H sur France Inter, sciences et émotions, rêves, vibrations…

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