Ivresse de la passion…

.

.

 » Des papillons, un soir d’été, voletant au hasard des brises rencontrèrent l’ombre nocturne d’une maison de pauvres gens. Derrière la lucarne ouverte ils aperçurent, dans le noir, une flamme droite, menue. C’était celle d’une bougie. Ils en eurent l’âme éblouie. Ils n’avaient jamais vu de semblables lueurs dans le désert des nuits. Ils s’assemblèrent, frémissants, sur la branche basse d’un arbre, à quelques coups d’ailes du lieu où cette merveille brillait.

– Oh, sa beauté ! se dirent-ils.

– Oh, sa droiture, sa noblesse !

– Sentez-vous comme cette flamme nous appelle ? dit un ancien. Dans ce monde obscur où nous sommes, c’est la lumière de l’amour. Elle est notre rêve vivant. Elle doit savoir ce que sait Dieu. Nous l’avons vue, et désormais comment vivre encore sans elle ? L’un d’entre nous doit l’approcher, nous ramener de ses nouvelles.

Un intrépide s’ébroua, s’envola jusqu’à la lucarne. Il se posa sur le rebord. La flamme eut un frisson léger, la pénombre à peine s’émut. Il s’effraya, revint en hâte, décrivit la chose aperçue.

– Impressionnant, dit-il aux autres. Elle a bougé quand elle m’a vu !

L’ancien soupira. Il lui dit :

– Tu ne t’es guère approché d’elle. Que peux-tu savoir de sa vie ?

On envoya un autre expert. Celui-là franchit bravement le seuil obscur de la lucarne, effleura la pointe du feu, poussa un cri de papillon, vira de bord, l’aile fumante, et s’en revint à la nuit fraîche en braillant qu’il s’était brûlé.

– Insuffisant, grogna l’ancien. Nous voulons savoir plus et mieux.

Un troisième, ivre de passion, s’en fut sans qu’on le lui demande. Il s’enfonça dans les ténèbres, embrassa la flamme étonnée, s’embrasa, partit en fumée. On vit de loin ce compagnon un bref instant éblouir l’ombre.

.

.

– Lui seul sait ce que l’amour veut dire, murmura le vieux papillon. Il a eu, c’est incontestable, de vraies nouvelles de l’aimée. »

« La conférence des papillons » – Henri Gougaud – Contes de la folie d’aimer – 2003.

Illustrations : 1/ Planche de papillons extraite de Biologia Centrali-Americaner – Eds. Godman and Salvin – 1915 – 2/ « Deux amoureux »Bahram Sufrakish – 1640.

…..

Aller jusqu’au bout du monde… par amour…

BVJ – Plumes d’Anges.

5 commentaires sur “Ivresse de la passion…”

  1. Manée dit :

    Bonjour Brigitte !

    Se brûler les ailes aux feux de l’amour…mais, cela n’arrive pas qu’aux papillons 🙂
    Il ne faut pas s’approcher trop près, il faut juste s’y réchauffer !

    Très belle journée à vous !

    Manée

  2. Je suis d’accord avec Manée ,  » s’y réchauffer  » au bout du monde pourquoi pas !
    J’entends les oiseaux chanter et je te souhaite une douce journée
    EB

  3. lolo dit :

    ah ! l’amour, la chaleur, l’envol et la disparition …
    texte bien troublant pour mon humeur du jour,
    la place du risque ?!

    la poudre des ailes des papillons serait magique et leur permettrait de voler, fragiles ils ne doivent donc pas être saisis à bout de doigts, c’est ce que j’explique à Nina qui persiste à penser qu’ils aiment se blottir au creux de ses mains…

    Bises tendres et de douces pensées pour Marc en cette belle journée

  4. valdelia dit :

    Beau, triste, et…vrai !

    Les illustrations sont de toute beauté !
    Merci à toi pour toute cette délicatesse et cette sagesse que tu nous offres, Brigitte !

    Bisous
    V.

  5. Kenza dit :

    Bonsoir Brigitte,
    J’aime beaucoup tes deux illustrations ainsi que le texte…
    Douce nuit et jolis rêves

Laisser une réponse

*