Visions du monde…

.


.

« … Que ce soit en Inde ou en Grèce, un certain nombre de sages affirment avoir trouvé une issue à l’impasse où se trouve l’homme qui cherche à adapter le monde à ses désirs : inversant la problématique, le sage cherche à adapter ses désirs au monde. Il vise à les maîtriser, à les limiter, voire à les neutraliser pour s’accorder au réel. Il peut ainsi être satisfait de sa vie, quels que soient les faits extérieurs qui surviennent et risquent de l’affecter. Autrement dit, le bonheur du sage ne dépend plus des évènements toujours aléatoires émanant du monde qui lui est extérieur (santé, richesse, honneurs, reconnaissance, etc…), mais de l’harmonie de son monde intérieur. C’est parce qu’il a su trouver la paix en lui-même qu’il est heureux. Plutôt que de vouloir changer le monde, le sage concentre ses efforts à se changer. Son bonheur est immanent : il se réalise ici-bas, dans le monde tel qu’il est, au plus intime de lui-même.

C’est par ce renversement que le bonheur devient possible. L’obstacle au bonheur n’est pas la réalité, mais la représentation que nous en avons. Une même réalité peut être perçue différemment par deux personnes : l’une s’en féliciter, l’autre en être malheureuse. Un individu donné peut percevoir une grave maladie comme un terrible coup du sort, alors qu’un autre, par-delà la douleur présente, y verra une occasion de se remettre en question, de changer telle ou telle chose dans sa vie, et ne se départira pas de sa paix intérieure. Face à une agression, certains ressentiront de la haine, un désir de vengeance, quand d’autres n’éprouveront aucun ressentiment : « Combien tuerais-je de méchants ? Leur nombre est infini, comme l’espace. Alors que si je tue l’esprit de haine, tous mes ennemis sont tués en même temps », écrit le sage bouddhiste Shantideva dans « La marche vers l’Éveil ». Et le sage stoïcien Epitecte d’affirmer en écho : « Souviens-toi que ce qui te cause du tort, ce n’est pas qu’on t’insulte ou te frappe, mais l’opinion que tu as qu’on te fait du tort. Donc, si quelqu’un t’a mis en colère, sache que c’est ton propre jugement le responsable de ta colère. »(…) « Devant tout ce qui t’arrive, pense à rentrer en toi-même et cherche quelle faculté tu possèdes pour y faire face. Tu aperçois un beau garçon, une belle fille ? Trouve en toi la tempérance. Tu souffres ? Trouve l’endurance. On t’insulte ? Trouve la patience. En t’exerçant ainsi, tu ne seras plus le jouet de tes représentations. »…

.


.

… Chacun doit apprendre à se connaître pour découvrir ce qui le rend heureux ou malheureux, ce qui lui est approprié ou non, ce qui augmente sa joie et diminue sa tristesse. Spinoza utilise la métaphore du poison pour faire comprendre que tout se joue à un stade essentiellement biologique : il y a des corps, des choses, des êtres qui empoisonnent notre organisme, comme il en est d’autres qui contribuent à sa croissance et à son épanouissement. Si nous acceptons d’ingurgiter du poison, c’est que notre esprit est pollué par toutes sortes d’idées inadéquates, erronées, qui nous font croire – sous l’influence de certains affects, de notre imagination ou d’une morale extérieure – que ce qui nous empoisonne, de fait, est bon pour nous. D’où la nécessité d’accéder à une connaissance vraie de ce que nous sommes pour savoir ce qui nous convient, mais aussi de renoncer à suivre une morale extérieure, dogmatique, transcendante, prétendument valable pour tous… »

.


Extraits de : « Du bonheur – un voyage philosophique » 2013  Frédéric Lenoir.

Illustrations : 1/« La musique » 2/« Étang calme » 3/« Deux jeunes filles et un Laurier rose »  Gustav Klimt 1862-1918.

…..

Trouver notre propre vision…

BVJ -Plumes d’Anges.

17 commentaires sur “Visions du monde…”

  1. Phène dit :

    Merci pour ce beau texte joliment illustré… Belle semaine ensoleillée, chère âmie Brigitte

  2. Dominique dit :

    je ne connaissais pas ce tableau de Klimt : la musique, je le trouve magnifique

  3. mary hanson dit :

    Je trouve ce texte très fort et d’une grande beauté, les illustrations douces et paisibles mais même quand je souffre énormément je ne suis pas tentée par le stoïcisme.
    Par contre apprendre à se connaître est en effet primordial.
    Passez une bonne journée

  4. Aifelle dit :

    Les illustrations sont superbes ! j’ai plus de réserves sur les livres de Frédéric Lenoir, que je trouve un peu trop « fourre-tout ».

  5. J’adore le premier tableau avec ses ors et ses bleus intenses qui s’enchâssent comme des pierres précieuses…j’aime aussi Klimt, l’auteur de fascinants portraits féminins !

    Oh ! merci ma grande pour la beauté de tes illustrations 🙂

  6. Ariane dit :

    « Adapter le monde à ses désirs » … oui alors que c’est à nous de nous adapter à lui, ou du moins de composer avec lui. Bravo pour ces magnifiques illustrations ma belle plume ! Bises

  7. Daniel dit :

    J’aime beaucoup cet auteur dont j’ai lu plusieurs livres. Il dit vraiment des choses intéressantes. Nous avons tout en nous. Sachons mieux les exploiter et écoutons un peu plus notre âme.

  8. LOU dit :

    C’est bien ce à quoi je suis amenée, enfin, à penser. Si je me mets en colère contre, en fait, c’est plutôt que je suis en colère contre moi-même. Mais j’ai encore du chemin à faire, et le monde est bien grand pour atteindre suffisamment de sagesse…
    Un de ces quatre, j’arriverai probablement à recracher ce poison qui me gâche la vie, pour être l’optimiste que je suis fondamentalement. Sourire à toi !

  9. ANNE dit :

    J’ai écouté ce livre en audio-livre, 1° partie un peu pédagogique, mais 2° tout à fait passionnante et personnelle; je le recommande. Merci, brigitte!

  10. witney dit :

    chacun a ses perceptions, il en est qui mènent pour certains à la cata – si cata il y a –
    tout est intéressant , bonne journée

  11. durgalola dit :

    pour trouver le bonheur, faudrait il donc que je lâche ceux qui font mal !!! je ne sais pas … car eux mêmes ils sont mal en point !!! bises et merci pour cet article

  12. Ariaga dit :

    Un beau moment avec ce texte de Frédéric Lenoir, quelqu’un que j’apprécie beaucoup. Amitiés.

  13. Je ne peux qu’adhérer au texte de Frédéric Lenoir. Quant à Klimt, à chaque fois, je reste sans voix.

  14. naline dit :

    J’aime beaucoup les illustrations de ton billet… et bien sûr le texte aussi !
    Trouver son propre chemin… quoi qu’en disent les autres et les modes ! C’est ce qu’on pourrait appeler grandir…

  15. Martine dit :

    Le livre à bonne place dans ma pile de livres! Merveilleuses illustrations pour accompagner de belles paroles, belle journée, Martine

  16. Lily dit :

    Il parle bien ce Frédéric Lenoir ! Exigeant, mais très actuel. Pour les peintures je n’aurais pas deviné que c’était du Klimt. Le raffinement de la dernière, hum !

  17. masyl dit :

    Que de sagesse dans ce texte, mais quelle difficulté pour le mettre en application ! Je ne connaissais pas ces oeuvres de Klimt ! J’aime beaucoup la seconde : l’étang calme.

Laisser une réponse

*