Archive pour la catégorie ‘plumes à rêver’

Grincements et grains semés…

lundi 11 octobre 2021

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« Comment va la vie

me demande un ami

 

ça grince

de tous côtés

mais j’accorde

les grincements

et je m’en fais un orchestre

 

en attendant de jouer

un morceau

tendre comme la nuit… »

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Et vous, quels grains auriez-vous envie de semer aujourd’hui,

pour accorder les grincements de la vie,

des grains de folie, des grains de hasard, des grains de pluie,

des grains de malice, des grains de beauté ?

N’hésitez pas à déposer ici votre grain de sel…

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Poème de Radu Bata découvert sur le net…

Tableau : « Hommage à Goya » Odilon Redon
1840-1916.

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Rester en vol libre…

BVJ – Plumes d’Anges.

Monde glacial…

lundi 4 octobre 2021

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« … Depuis la mort de ses parents, Clara Roussel avait une conscience aiguë de la fragilité humaine. À l’age de vingt-cinq ans , et pour le reste de son existence, elle avait compris qu’on pouvait sortir un matin, serein et confiant, et ne jamais rentrer chez soi…

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Ce matin-là, ils s’étaient levés comme tous les matins, ignorant qu’il ne leur restait que quelques heures de bonheur, de sérénité, et que le soir même leur vie aurait sombré dans un désastre qui n’avait pas de nom. Qui pouvait imaginer cela ? Elle aurait donné n’importe quoi pour revenir en arrière. Quelques heures. Seulement quelques heures. Dire non. Voilà tout. Non, vous n’allez pas jouer dehors. Il suffisait de rien, trois fois rien…

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… Clara se sentait parfois si triste et si décalée. Ce n’était pas nouveau. Cependant cette sensation s’était accrue au cours des dernières années et, bien que dénuée d’amertume, était devenue douloureuse. Elle avait raté une marche, un épisode, une étape. Elle, à qui on avait offert 1984 et Fahrenheit 451 le jour de ses quatorze ans, elle qui avait grandi au milieu d’adultes toujours prompts à contester les dérives de leur époque (qu’auraient pensé Réjane et Philippe de celle dans laquelle elle vivait ?), elle qui venait d’un monde où tout devait sans cesse être questionné, pensé, avait regardé le train partir sans pouvoir monter dedans. Ses parents s’étaient trompés. Ils croyaient que Big Brother s’incarnerait en une puissance extérieure, totalitaire, autoritaire, contre laquelle il faudrait s’insurger. Mais Big Brother n’avait pas eu besoin de s’imposer. Big Brother avait été accueilli les bras ouverts et le cœur affamé de likes, et chacun avait accepté d’être son propre bourreau. Les frontières de l’intime s’étaient déplacées. Les réseaux censuraient les images de seins ou de fesses. Mais en échange d’un clic, d’un cœur, d’un pouce levé, on montrait ses enfants, sa famille, on racontait sa vie. Chacun était devenu l’admirateur de sa propre exhibition, et celle-ci était devenue un élément indispensable à la réalisation de soi… »

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Une histoire glaçante, une histoire qui est ou pourrait être vraie.

L’évolution d’un monde où des gens ne vivent plus que par

téléphones interposés, réseaux sociaux, addictions, surconsommation,

un monde qui se raconte des histoires, plonge dans la folie,

un monde où l’humain a trébuché…

Ce roman parle de la quête de reconnaissance, de l’argent qui coule à profusion,

de ces parents délirants qui gavent leurs progénitures

de produits en tous genres, de malbouffe

et qui signent des pactes avec des compagnies douteuses.

Les dégâts psychologiques qui s’ensuivent sont considérables.

C’est une histoire très forte, admirablement écrite et construite,

elle nous interroge sur les chemins empruntés par notre société,

sur ces adultes qui ne pensent plus à protéger leurs enfants,

à leur transmettre des valeurs universelles,

une histoire terrible d’une cruelle actualité.

L’art, le grand art de Delphine de Vigan est encore présent,

souhaitons que l’humanité se réveille, s’élève et se lève !

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Extraits de : « Les enfants sont rois »  2021  Delphine de Vigan.

Illustrations : 1/ « Charité »  Abbott Handerson Thayer  1849-1921  2/ « La ville »  Mikalojus Konstantinas Ciurlionis  1875-1911.

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Ouvrir l’œil de la vigilance…

BVJ – Plumes d’Anges.

Guide radieux…

lundi 27 septembre 2021

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« … Pourquoi la vue d’une lampe allumée en plein jour glace-t-elle le cœur ? Pourquoi suis-je toujours fasciné par le partage des ombres et des lumières ?…

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Débarcadère blanc de givre, ciel empli d’étoiles. Au bout d’un long filin je jette un seau à la mer. Il faut mettre à tremper du poisson pour demain. Les sabots cloutés glissent sur les pierres. Quelques étincelles jaillissent. Le courant miroite…

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Midi. Le bruit de la vague et le silence, l’ombre épaulant la lumière, j’ai soudain l’impression que le phare est fondé sur leur équilibre. Et chaque geste le dresse un peu plus.

C’est fragile comme une rencontre d’oiseaux. Il faut être soi-même invisible là-dedans. Et présent pour lancer la ronde.

Toutes les lueurs du jour, qui tournent et volent dans l’air léger de l’escalier, est-ce qu’elles ne se retrouvent pas au soir, dans la couronne de flammes secrètes du foyer ? 

À la lucarne près de laquelle je travaille aujourd’hui, on voit l’horizon partager exactement le ciel et la mer.

Le soir. Tout notre travail est pour l’horizon. Cette lente avalanche de la lumière vers le haut, les prismes la cassent durement, la renvoient au large.

Moi j’ai besoin de lumière, je suis affamé de lumière. Les murs, les cuivres. Par quelle roue d’un moulin secret devrai-je moi-aussi passer ?… »

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La construction du phare d’ArMen – situé à l’extrémité de l’île de Sein –

prit 14 années, un travail titanesque !

La vision de cette « torche » par Jean-Pierre Abraham fut un éblouissement,

l’auteur se sentit attiré par cette vie particulière

comme un papillon l’est par la lumière.

Il demande alors une formation pour en devenir le gardien…

Ce texte – un journal de bord – semble né des brumes,

de l’écume et des vagues qui l’habitent.

Tout est métaphore.

C’est un temps de rites et de taches répétitives, indispensables,

c’est aussi un temps de luttes : les éléments souvent se déchainent,

l’humidité est permanente, pénétrante.

Il faut entretenir l’édifice, le réparer pour ne pas mourir.

C’est une véritable école de la vie dans laquelle l’homme

apprend à se connaître, à explorer son intériorité.

Il fait équipe avec Martin,

ils semblent éprouver un grand respect l’un pour l’autre,

être solidaires dans l’épreuve et dans les joies.

Trois livres l’accompagnent, lus et relus,

scrutés dans leurs moindres détails :

un album sur Vermeer, un autre sur un monastère cistercien

et un dernier de poèmes de Pierre Reverdy.

Les ombres et les lumières omniprésentes

font de ce texte une lecture forte et précieuse,

elle laisse une belle trace.

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Extrait de : « ArMen » Jean-Pierre Abraham 1936-2003.

Illustrations : 1/« La mer »  Wladyslaw Slewinski  1856-1918  2/« Phare sur la côte bretonne »  Théodore Gudin 1802-1880.

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Découvrir sa destinée…

BVJ – Plumes d’Anges.

Une belle voie…

dimanche 8 août 2021

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« … Ainsi l’émotionnel est-il susceptible de composer avec bien plus d’informations que le mental ; et c’est justement parce que l’intelligence émotionnelle est plus adaptée aux situations complexes qui nécessitent de traiter beaucoup trop d’informations pour rester dans un cadre établi qu’elle est parfois supérieure à l’intelligence mentale, comme c’est souvent le cas dans les situations de crise.

Je précise la différence entre mental et émotionnel (…)

–  le mental gère l’information de façon spatiale en faisant des liens séquentiels entre les informations réparties dans son espace mental. Son défaut est qu’il a besoin d’un cadre arbitraire pour sélectionner les bonnes informations à prendre en compte et pour raisonner sur elles. Or, ce cadre a tendance à éliminer tout ce qui n’est pas cohérent avec lui. 

–  l’émotionnel gère l’information de façon vibratoire en ressentant directement l’ensemble des informations en une seule sensation ou intuition. Son défaut est qu’il ne sait pas expliquer cette intuition et qu’elle reste relative, car les informations qu’il prend en compte ne sont pas nécessairement cohérentes.

Les deux types d’intelligence peuvent ainsi se tromper, et se trompent même systématiquement dès qu’elles sont utilisées de manière exclusive l’une de l’autre. L’intelligence purement mentale tombe systématiquement dans le biais scientiste. Elle sombre même dans le covidisme lorsque la situation à évaluer est à la fois trop complexe, trop nouvelle et que, par-dessus le marché, toute évaluation émotionnelle correcte de l’information est rendue impossible par la basse vibration de la peur – un point que je vais développer plus loin.

L’intelligence purement émotionnelle sombre inversement dans le biais mystique. La personne est sure d’avoir raison, mais elle ne sait pas communiquer, c’est pourquoi elle ira parfois s’enfermer dans un couvent, pour mieux supporter sa solitude.

Heureusement, nous avons un cerveau qui est fait pour associer les deux intelligences. Malheureusement, pour les raisons indiquées, la science censure la seconde. Les meilleurs scientifiques sont pourtant ceux qui usent abondamment de l’intelligence émotionnelle, sous la forme de l’intuition. Or, qu’est-ce qu’une bonne intuition ? 

Une bonne intuition est avant tout une vibration et par conséquent, un signal qui contient des informations nouvelles en provenance du mental supérieur (nous verrons,  en seconde partie, pourquoi la communication entre soi et moi ne peut être que vibratoire). Plus la vibration  de ce signal est élevée, plus il est en mesure de contenir des informations subtiles et justes. Or, la vibration la plus élevée est celle de la joie, , et c’est la raison pour laquelle les meilleures intuitions sont celles qui vous arrivent sous la forme d’un « eurêka » qui vous fait bondir de joie. Il reste ensuite à contenir émotionnellement l’information suffisamment longtemps pour permettre au mental  de se l’approprier petit à petit en la mûrissant, pour enfin parvenir à l’analyser… »

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Quel nouveau futur allons-nous choisir ?

Dans la folie que nous traversons depuis 20 mois,

Philippe Guillemant, ingénieur physicien français,

connu et reconnu pour ses travaux sur l’intelligence artificielle

et la révision de notre conception de l’espace-temps,

propose d’étudier cette crise au travers de la physique quantique.

Considérons-nous les Hommes comme des machines biologiques ?

Souhaitons-nous être dirigés par des algorithmes ?

Voulons-nous d’un monde totalement déshumanisé ?

Nos mythes fondateurs seraient-ils de possibles tunnels temporels,

empruntés, finalisés – ou pas ?…

Ce terrifiant futur transhumaniste, produit par les pensées matérialistes,

livre ses dernières batailles, il est en train de s’écrouler sous nos yeux.

La science avait chassé l’âme, la conscience la réintroduit et l’étudie.

Il nous faut vibrer avec le cœur et non uniquement avec le mental,

nous sommes nombreux à le ressentir,

c’est à nous d’agir, d’opérer ces changements de conscience,

les absurdités que certains nous imposent nous poussent à agir.

Éveillons-nous à cet autre monde, celui du cœur et de la joie,

celui de l’intelligence émotionnelle en harmonie avec le mental,

ne cédons pas à la peur.

Je vous incite à découvrir cette lecture passionnante et vous avoue que certains passages sont restés pour moi un peu « obscurs », n’étant pas suffisamment initiée à la physique, mais l’objectif de l’auteur est atteint, son message est parfaitement compréhensible…

Florinette en avait très bien parlé —>

Pour ceux qui ont la chance d’habiter à Lyon, une conférence est prévue —> ICI

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Extrait de « Le grand virage de l’humanité » 2021  Philippe Guillemant.

Illustrations : 1/« Le Temps et la Fortune dominant le monde »  Franz Francken  1581-1642  2/« Fleurs » Paula von Wächter  1860-1944.

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Choisir la voie de la conscience…

BVJ – Plumes d’Anges.

Origines…

lundi 12 juillet 2021

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« … Selon qu’elle s’applique à un phénomène, à un individu ou à un groupe de personnes, la notion d’origine prend un sens différent, et sa connaissance – ou son ignorance – n’a pas la même portée.

Parce qu’elle désigne la première apparition d’un phénomène, mais aussi sa cause, son explication, les circonstances de sa manifestation, ainsi que sa nature, l’origine est au cœur de la quête scientifique. Sa découverte la fait entrer dans le champ du savoir, et son absence la retient pour inconnue. Sans cause, elle devient inexpliquée. Sans date, elle flotte au-dessus du temps. Candidate au mystère, elle est source de fantasmes et, sujette aux spéculations, elle se nourrit de théories qui alimentent les controverses.

Pour un individu, elle quitte curieusement le singulier pour se parer d’un pluriel : nous parlons de nos origines. Elles sont ce lien qui nous rattache au néant comme la ficelle d’un ballon ou la traîne d’un roi. Sans cette bride, livrés à nous-mêmes, nous nous égarerions dans l’immensité du ciel où nous perdrions toute souveraineté sur notre existence. Nos origines racontent ce qui nous a précédés, d’où nous venons et qui nous sommes. En nous amarrant au néant par la ficelle ou par la traîne, elles nous protègent de l’abîme et le mettent à distance. Connaître nos origines structure notre être et donne une direction à notre vie. Ne pas les connaître peut agir comme une catastrophe. Une dévoration. C’est alors que nous partons à leur recherche à corps perdu…

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… Je suis le Vivant, le dernier qui, au bout des autres, roulera la pierre en dedans afin que la tâche soit accomplie. Mais avant je veux m’accorder du répit, reprendre mon souffle, écouter le bruit du vent qui flûte son air par les trous de la roche. Je veux être pour un peu le lambin de l’affaire, prendre le temps de me retourner et emporter avec moi le reste de ce que nous quittons… »

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C’est une lecture captivante, un roman très construit qui à partir d’un seul fait raconte des histoires où l’imaginaire se mêle à des réalités.

Une unique secousse sismique provoque un glissement de terrain, une montagne s’effondre, fait disparaître tout un village sur l’ile d’Hokkaido. Apparait alors un tombeau très très ancien, il daterait d’une époque où l’homme n’existait pas d’après nos croyances…

Passé, présent et futur se mêlent, un rythme mathématique, six chapitres, dans chacun d’eux cinq sous-chapitres, toujours dans le même ordre, qui portent cinq voix et tracent cinq voies. Les chiffres 5 et 6 ne sont certainement pas choisis au hasard, ils expriment l’union, l’équilibre et l’harmonie, un rêve ? Des étoiles s’allument ici et là, on voit que toute lumière projette une ombre et toute ombre fait surgir la lumière. Le monde obéit à des lois, l’homme cherche une fois encore à comprendre mais tout peut être remis en question et changer en un instant. On apprend beaucoup au fil des pages, on veut en savoir plus et le « merveilleux » net donne des pistes (à croiser, bien évidemment !).

L’écriture est très belle, totalement poétique dans le Dit du Vivant où les fils qui tissent le récit sont teintés d’or. L’auteur nous emmène dans un mystérieux voyage, il partage son érudition avec humilité, par petites touches comme un peintre. L’œuvre créée me semble encore plus importante dans le contexte actuel, faire appel à son imagination, parler de science, de philosophie, de poésie, de rapports bienveillants entre les humains fait un bien fou. Ce livre est un véritable coup de cœur !

Dominique en avait parlé merci à elle.

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Extraits de : « Le Dit du Vivant »  2021  Denis Drummond.

Illustrations : 1/« Paysage »  Maeda Tekison   1895- 1947  2/« Nuit sur Ushibori »  Kawase Hasui   1883-1957.

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Ne pas avoir de certitudes…

BVJ – Plumes d’Anges.

Chef d’œuvre…

jeudi 10 juin 2021

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« … Le mot impossible n’existe plus… »

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… J’avais alors dépassé depuis 3 ans ce grand équinoxe de la vie qu’on appelle quarantaine. Cet age n’est plus celui des folles entreprises et des Châteaux en Espagne. Or au moment où mon Rêve sombrait peu à peu dans les brouillards de l’oubli, un incident le raviva soudain, mon pied heurta une pierre qui faillit me faire tomber. Je voulus voir de près, ma pierre d’achoppement ; elle était de forme si bizarre que je la ramassais et l’emportais ; je retournais le lendemain au même endroit et j’en trouvais de plus belles qui rassemblées sur place faisaient un joli effet, cela m’enthousiasma ; c’est alors que je me dis , : « Puisque la nature fournit les sculptures, je me ferai architecte et maçon (… )

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… C’est alors que le long charroi commença il dura 27 ans parcourant pendant tout ce laps de temps des dizaines de kilomètres en plus de ma tournée quotidienne, je remplissais mes poches de pierres puis ensuite, j’employais des paniers ce qui accrut ma peine, car j’avais une tournée de 32 kilomètres à effectuer chaque jour…

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… L’hiver comme l’été

Nuit et jour j’ai marché

J’ai parcouru la plaine les coteaux

De même que le ruisseau

Pour apporter la pierre dure

Ciselée par la nature

C’est mon dos qui a payé l’écot

J’ai tout bravé même la mort (… ) 

En cherchant j’ai trouvé

Quarante ans j’ai pioché

Pour faire jaillir de terre ce palais de fées… »

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« … Le soir à la nuit close

Quand le genre humain repose,

Je travaille à mon Palais.

De mes peines nul ne saura jamais… »

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C’est le travail d’un seul homme qui a traversé moult épreuves, son cœur a saigné, le destin s’est abattu sur lui mais il a résisté, il a transformé sa douleur en un chef d’œuvre d’amour.

Son courage, sa ténacité ont bâti un palais, il a laissé vivre et courir son imagination, lui qui parlait peu s’est exprimé dans une poésie totale et un siècle plus tard on vient toujours se substanter à sa source.

C’est une œuvre émouvante, une œuvre « habitée »,

qui nous transporte sur une haute rive,

c’est un rêve qui a vu le jour qui à son tour nous fait rêver…

Quand la terre et le ciel se rejoignent, quand modestie et humilité se donnent la main,

le grand Art advient et c’est nous qui sommes sans voix,

tout à notre admiration !

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Et un kilomètre plus loin, un autre petit édifice :

« … J’ai eu le bonheur d’avoir la santé pour achever ce tombeau appelé

« Le tombeau du silence et du repos sans fin »

à l’age de 86 ans… »

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Propos de Ferdinand Cheval extraits du cahier numéro 3

– Photos BVJ –

 Hauterives dans la Drôme – Le PALAIS IDÉAL du FACTEUR CHEVAL

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Faire preuve de résilience…

BVJ – Plumes d’Anges.

De l’aurore à la brune…

vendredi 28 mai 2021

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« … Tu collais aux parois du présent, peur d’être en retard sur ce qui se passe. Tu ne sais plus choisir. Tu veux. Tu veux tout. Toujours plus. Même les choses s’affolent d’être tellement appelées. Ces caillots de voitures dans nos villes. Ces objets rapaces, bouchant l’horizon. La matière que l’on traite en nouveau riche, qu’on triture, amalgame, émiette, juxtapose sans chercher ce qui l’articule, ce qui la lie. Ce qui t’articule, ce qui te lie. Tu veux, tout, trop, embrasser, prendre. Ah ! ouvrir les mains, les ouvrir !… Ce qu’on aime ne se possède pas. L’avenir ne se possède pas, il se détache, plus loin, plus libre. Garder, garder le souffle, l’écho, à travers tout, cette chaleur… Des mégalopoles dévoreront nos rives. Nous serons six milliards et demi d’habitants en l’an 2000, le double d’à présent. Garder, garder cela, la voix de l’autre, la vague, la pulsion… Trente cinq penseurs, professionnels du futur, sont réunis à Tappan Zee, c’est le « Think Tank« , réservoir à réflexion. Qu’ils n’oublient pas ce qui nous fait vivre, et dont le nom est sans doute très simple. Qu’ils n’oublient pas cet instant, ce noyau, cette seconde où nous sommes , vraiment , entre mort et vie. Qu’ils n’oublient pas d’éveiller en l’homme-caméléon ce qui nous rejoint, apaise, accorde. Panoplie nucléaire, merveilles électroniques, effaceurs de mémoire qui supprimeront les souvenirs douloureux, moyenne de vie 90 ans, hibernation, surordinateur réglant notre existence, collectivités dévorant l’individu, contrôle, surveillance, téléphonie, matériaux résistant à toutes températures, transports à propulsion, cargos submersibles, navires containers, fusées transocéaniques, médicaments contrôlant nos humeurs, nos tendances politiques, métaphysiques, détermination du sexe des enfants, synthèse des aliments, pigmentation des Blancs, dépigmentation des Noirs, décèlement des intentions criminelles par la seule voix, entente des supergrands, guerres limitées, bâclées, laissées aux sous-développés… Maelström !… Où, comment tenir debout ? Corps encore étrangers à cette tornade, nous restons cramponnés au radeau d’hier. Se chercher d’abord un regard, un regard !… Ces jours-ci, je n’ai pas eu besoin de mes yeux, Ben me prêtait les siens…

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Tout à l’heure, il le dira à Jeph. Il lui communiquera tout cela : la terre et ses tendresses, la mer qui n’en finit pas… Malgré le peu de mots à sa disposition, il faudra que Simm dise : le sel, l’air, l’arbre, le vent, le bleu, l’eau qui porte. Malgré le peu de mots, malgré l’épaisseur qui les sépare ; il faudra qu’il trouve comment traduire tout cela. Le goût des choses, de l’instant. Il faudra qu’il parle, qu’il parle encore, jusqu’à la trouée béante, jusqu’à ce que l’emmuré surgisse, et tienne de nouveau debout sur ses deux jambes. Il faudra, à neuf, lavé, débarrassé d’écorces, faire naître en mots, sur la langue : ce sel, cette vie, ce partout…

– Je saurai tout dire. Je saurai à présent. Je saurai !… « 

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Simm et son chien Bic traverse un village du sud au petit matin. Simm rencontre des amis et confie à l’un d’eux sa lassitude, il s’ennuie dans ce monde. À la sortie  du village, la fenêtre d’un hôtel s’ouvre, un jeune homme apparait, s’étire et admire le paysage. Son regard est neuf, vivant, dans son œil brille avec ferveur une petite flamme. Il prononce quelques mots bienveillants, Simm  se sent comme illuminé par une énergie de jeunesse.

Tout à coup une immense secousse… et tout s’écroule.

La vie de Simm ne peut plus être la même, il est comme habité par le souffle du jeune homme, il le sent sous les décombres, il persuade les autorités d’entreprendre des recherches à un endroit précis… Le temps passe, Simm veille jour et nuit, réussit à établir un contact avec la victime, il devient Jeph qui parle à Ben, les secours sont lents, ils abandonnent, Simm les rappelle… Vous découvrirez la suite…

Ce souffle porte le lecteur jusqu’à la dernière page, l’émotion est grande. C’est une magnifique histoire qui nous interroge, elle nous parle de la solitude du grand age, de ce brin de jeunesse toujours présent au fond de soi qui aimerait vibrer et s’exprimer encore, de cette fin de vie qui retient l’essentiel et n’a plus besoin des honneurs et de la reconnaissance, il lui faut simplement se sentir en lien, dans le courant, dans le flot de la vie.

Il faut cesser de s’égarer et retrouver le fil de notre humanité, l’épreuve est peut-être là pour nous le faire comprendre, à nous d’ouvrir nos yeux et nos cœurs..

C’est un texte puissant, un riche échange entre deux hommes, sous la plume d’Andrée Chédid qui était vraiment une grande dame !!!

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Extrait de : « L’autre »  Andrée Chédid  1920-2011.

Illustrations : 1/« Côte italienne »  Thomas Fearley  1802-1842  2/« Figuiers de Barbarie près de Taormine »  Peter-Severin Kroyer  1851-1909.

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Goûter au sel de la vie…

BVJ – Plumes d’Anges.

Non violence…

samedi 22 mai 2021

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« … Il est dans notre nature d’aimer donner et recevoir du fond du cœur. Nous avons cependant appris plusieurs formes de « langage aliénant » qui nous conduisent à nous exprimer ou à nous comporter de manière blessante vis à vis des autres et de nous-mêmes. L’une de ces formes de communication aliénante consiste à utiliser des jugements moralisants qui impliquent que ceux dont le comportement ne correspond pas à nos valeurs ont tort ou sont mauvais. Une autre repose sur les comparaisons qui peuvent entraver la bienveillance envers nous-mêmes comme à l’égard d’autrui. La communication aliénante nous empêche aussi de prendre pleinement conscience que chacun est responsable de ses pensées, de ses sentiments ou de ses actes. Une autre caractéristique de ce type de communication consiste à communiquer ses désirs sous forme d’exigences…

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… Selon le philosophe indien J.Krishnamrti, observer sans évaluer est la plus haute forme de l’intelligence humaine. « C’est stupide », ai-je pensé en lisant cette phrase, mais je me suis presque aussitôt rendu compte que je venais de porter un jugement. Nous avons presque tous du mal à observer les gens et leur comportement sans y mêler un jugement, une critique ou une forme d’analyse…

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… Quand l’une des parties entend dans les paroles de l’autre un reproche, un diagnostic ou une interprétation, il est probable que les énergies en présence seront orientées vers l’autodéfense et la contre-attaque que vers la sortie du conflit… »

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Dans l’époque difficile que nous traversons,

les discussions me paraissent très délicates,

deux monolithes semblent « s’affronter »,

le monde se rigidifie, l’humanité s’envole…

Au théâtre de la vie, rien ne va plus !

Je viens de lire un livre passionnant qui serait à mettre entre toutes les mains.

Il traite d’une autre forme de communication, la communication non violente.

Celle-ci nous demande d’observer sans évaluer,

d’employer des mots sans jugements contenus,

d’établir une relation de cœur à cœur,

d’exprimer nos sentiments réels,

bien différents de nos pensées et  interprétations,

de formuler nos besoins de manière claire,

de demander ce que l’on veut et non ce que l’on ne veut pas…

Je vous laisse découvrir cette lecture au fil de laquelle de

nombreux exemples nous montrent une voie pour mieux vivre ensemble,

la route est longue et le « travail » de chaque instant,

la vie est devant nous, peut-être pouvons-vous

tenter d’en faire bon usage, non ?.

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Extraits de : « Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs) » 

Marshall B. Rosenberg  1934-2015.

Illustrations : 1/« Pensive »  2/« Pivoines »  Wladyslaw Slewinski  1856-1918.

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Choisir une voie qui enrichit l’humain…

BVJ – Plumes d’Anges.

Moment de grâce…

dimanche 2 mai 2021

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« … Oui, il y a un bonheur plus haut où le bonheur paraît futile. À Florence, je montais tout en haut du jardin Boboli, jusqu’à une terrasse d’où on découvrait le Monte Oliveto et les hauteurs de la ville jusqu’à l’horizon. Sur chacune de ces collines, les oliviers étaient pâles comme de petites fumées et dans le brouillard léger qu’ils faisaient se détachaient les jets plus durs des cyprès, les plus proches verts et ceux du lointain noirs. Dans le ciel dont on voyait le bleu profond, de gros nuages mettaient des taches. Avec la fin de l’après-midi, tombait une lumière argentée où tout devenait silence. Le sommet des collines était d’abord dans les nuages. Mais une brise s’était levée dont je sentais le souffle sur mon visage. Avec elle, et derrière les collines, les nuages se séparèrent comme un rideau qui s’ouvre. Du même coup, les cyprès du sommet semblèrent grandir d’un seul jet dans le bleu soudain découvert. Avec eux, toute la colline et le paysage d’oliviers et de pierres remontèrent avec lenteur. D’autres nuages vinrent. Le rideau se ferma. Et la colline redescendit avec ses cyprès et ses maisons. Puis à nouveau – et dans le lointain sur d’autres collines de plus en plus effacées – la même brise qui ouvrait ici les plis épais des nuages les refermait là-bas. Dans cette grande respiration du monde, le même souffle s’accomplissait à quelques secondes de distance et reprenait de loin en loin le thème de pierre et d’air d’une fugue à l’échelle du monde. Chaque fois, le thème diminuait d’un ton : à le suivre un peu plus loin, je me calmais un peu plus. Et parvenu au terme de cette perspective sensible au cœur, j’embrassais d’un coup d’œil cette fuite de collines toutes ensemble respirant et avec elle comme le chant de la terre entière.

Des millions d’yeux, je le savais, ont contemplé ce paysage et, pour moi, il était comme le premier sourire du ciel. Il me mettait hors de moi au sens profond du terme. Il m’assurait que sans mon amour et ce beau cri de pierre, tout était inutile… »

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Un voyage en pays de lumière, l’Algérie, l’Italie… lieux sublimes et éblouissants.

Voyager au fil de ces pages fut pour moi un moment de grâce.

Ce livre est un ensemble de textes, de réflexions,

de méditations, écrits par Albert Camus dans sa jeunesse.

L’Homme et la nature ne font plus qu’un, la sensualité ruisselle à chaque phrase.

Nul ne peut rester insensible à cet art de la description,

à cette ferveur omniprésente, à ces mots qui nous enveloppent,

nous réchauffent et nous transportent au sein de la beauté,

c’est un hymne à la vie.

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Extrait de : « Noces  suivi de l’été »  Albert Camus 1913-1960.

Illustrations : 1/« Cité de Florence »  Jan van der Straet  1523-1605

2/ « Autel de Gand »  – détail –  œuvre commencée par Hubert van Eyck

et terminée par son frère Jan van Eyck 1390-1441.

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Prendre de la hauteur…

BVJ – Plumes d’Anges.

Passages…

dimanche 18 avril 2021

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« … SI JE FERME LES YEUX, je peux revoir Baba avec sa pipe, le soir, auprès du feu. Elle attendait que je sois couchée pour sortir la boîte en épicéa pleine de karja. Apa la lui avait fabriquée avant qu’il ne se transforme en tas de feuilles mortes. Elle remplissait le foyer d’un mélange de tabac et de graines pilées au mortier. Avec un long bâton dont elle gardait le bout enflammé, elle allumait la pipe. La cabane se peuplait alors de nuages bleus et d’odeurs de falaise. Baba était assise dans son fauteuil à bascule , la tête en arrière, cela durait des heures. J’aimais la regarder depuis mon petit lit fabriquer ces volutes, telle une cheminée de chair un peu passée.

Les mots sortaient de sa bouche doucement. Les histoires d’un autre temps s’égrainaient en ronds de fumée. (…)

Un soir, Baba m’avait parlé de l’ancien monde. D’habitude, ceux qui l’avaient connu se taisaient… Un soir pourtant, Baba avait parlé. Ses mots étaient pleins d’épines et s’épuisaient à sortir de sa bouche. À cette époque elle était proche du Grand-Sommeil. Je m’occupais d’elle comme on s’occupe d’un enfant, car elle avait commencé à se dérégler – sans cela, elle serait sans doute partie avec son secret. Les mots étaient tombés dans mon oreille avec la douleur du poison…

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… Les jours se répétaient, les gestes aussi. Mais le soleil levait chaque matin son rideau sur une nature différente. La lumière ruisselait dans les branches cristallisées par la glace. Les myriades de teintes allaient du rose au bleu pâle, projetant des flaques colorées sur la surface du lac en banquise. L’hiver révélait des grâces de jeune fille. Le ramage des branches, prisonnières de leur robe de cristal, devenait dentelle, piquetée par endroits de boutons vernis là où les corneilles arrêtaient leur vol. On crissait à chaque pas et c’était délicat, un froissement de tissus précieux…

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… Nous sommes tous de passage. Simplement de passage… »

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La traversée à bord de ce livre est sombre mais le voyageur-lecteur est le témoin oculaire de l’émergence de lumières d’une rare puissance. Les images sont très fortes, la nature omniprésente s’étire dans ses extrêmes.

Les personnages rencontrés au fil des lignes sont singuliers, l’animal est humain, l’humain est animal. On sent qu’un grand chaos a pulvérisé bien des choses et bien des êtres, mais des cœurs battent encore à l’unisson et se battent pour témoigner de la force de la vie. Chacun accepte ce que lui offre ou lui impose l’existence.

C’est une histoire intense, un retour en arrière dans le temps, un mélange de réalités et de légendes, de couleurs, d’eau, de roches, de froid brûlant, de mots rares échangés, d’entraide, d’amour, de trahison… c’est un sillon creusé dans la terre-mère qui témoigne de la tragédie et de l’espérance, c’est un magnifique premier roman !

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Extraits de : « Une immense sensation de calme »  2018  Laurine Roux.

Illustrations : 1/« Chutes d’eau (Geltenbach dans la vallée de de Lauenen) »  Caspar Wolf  1735-1783   2/« Mer »  Volodymyr Orlovsky  1842-1914.

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Faire de notre passage un moment de lumière…

BVJ – Plumes d’Anges.