Vers une autre vie…

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« … Alors elle avait parlé des chevaux, des montagnes, d’une autre vie ; elle avait parlé de cet amour des chevaux qu’elle avait toujours eu et que Samuel aussi avait eu si longtemps en partage avec elle, même si depuis un an ou deux c’était un peu passé, c’est vrai. Mais les chevaux pourraient l’aider à reprendre goût à la vie, à comprendre des choses qui semblaient ne plus le toucher ou le concerner. Elle voulait qu’il sache prendre le temps de regarder un ciel de nuit, de s’émerveiller devant une montagne, elle voulait qu’il sache respirer et souffler, parce qu’elle voulait qu’il entende comment on pense par le souffle et que c’est par lui que la vie circule en nous…

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… Ils se parlent peu, ils économisent leurs forces et se concentrent sur ce qu’ils ont à faire, ce qu’ils voient, ce qu’ils entendent, ce qu’ils ressentent. Les mots sont ici comme tous ces poids morts dont on se débarrasse parce qu’ils ne servent qu’à alourdir les bagages…

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… Elle voudrait reprendre ses esprits, retrouver le calme. Ou pouvoir simplement reprendre un à un tous les éléments de la soirée et les remettre chacun à sa place, en faire un beau jardin à la française, bien ordonné, comme si tout pouvait sortir de la confusion, de l’agitation et trouver une place où tout, à la fin,  participerait de la même organisation, de la même planification logique et rassurante, comme une cosmogonie tracée, ordonnée simplement, sans efflorescence ni chaos, sans accident ni profusion ni rhizomes. Mais la vérité c’est que le monde part totalement en vrille, il se déploie en lianes, en racines, il défonce les pavés et l’ordre des idées, il est comme une tumeur, organique, viscéral – elle veut juste arrêter de penser, calmer son esprit, ça suffit ; elle essaie de souffler lentement, comme quelqu’un qui vient de courir veut retrouver sa respiration. Elle marche et même si elle a froid, le froid n’est pas un ennemi, il lui fait du bien, la redresse. La blessure qu’il lui inflige est bonne, vivifiante…

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… Si on a peur des autres, on est foutu. Aller vers les autres, si on ne le fait pas un peu, même un peu, de temps en temps, tu comprends, je crois qu’on peut en crever. Les gens, mais les pays aussi en crèvent, tu comprends, tous, si on croit qu’on n’a pas besoin des autres ou que les autres sont seulement des dangers, alors on est foutu. Aller vers les autres, c’est pas renoncer à soi… »

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Extraits de : « Continuer » 2016  Laurent Mauvignier.

Illustrations : 1/« Lever de soleil » 2/« Arc en ciel »  Arkhip Kuindzhi 1842-1910.

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Retrouver le  fil de notre histoire…

BVJ – Plumes d’Anges.

17 commentaires sur “Vers une autre vie…”

  1. Anne dit :

    Continuer
    d’aimer chaque jour
    quoi qu’il en coûte…

  2. Dominique dit :

    un auteur que j’aime particulièrement et que je ne suis pas étonnée de trouver ici

  3. Poussy dit :

    Oh Brigitte, tu l’as lu ce merveilleux livre…
    Il m’est allé droit au coeur et y a laissé une trace scintillante.

    J’ai toujours eu en tête cette pensée de Montaigne, « Enseigner, ce n’est pas remplir un vase, c’est allumer un feu ».
    Ça marche aussi pour enseigner l’amour vers soi et vers les autres.

    Merci pour ce grand feu et ce grand galop d’air pur, de bon matin, ça réchauffe tellement!

    Je t’embrasse

  4. angedra dit :

    Aimer vivre, aimer rencontrer l’autre, aimer échanger, aimer courir, mais aimer se reposer aussi. Mettre de la folie comme de la sagesse dans notre vie est une belle façon de la visiter et de se l’approprier.

  5. Aifelle dit :

    Magnifique arc en ciel ! J’entends le pire et le meilleur sur ce roman, mais il a une plume Mauvignier, c’est certain. Bonne semaine Brigitte. Bises.

  6. Ariaga dit :

    C’est curieux, plus j’avance en âge et moins je rêve d’une autre vie. Je suis tellement occupée à vivre le présent … Amitiés.

  7. Mathilde dit :

    Ce texte me touche beaucoup surtout en ce moment très particulier …
    C ‘est tellement douloureux d’ aimer parfois …C’ est tellement difficile d’ aider … j’ essaie comme je peux de remettre à flot une fille et une petite fille qui viennent de perdre une mère et grand-mère et qui sont désemparées car point de lieux où se recueillir … elle a donné son corps à la médecine …:-(
    Aimer …cela seul nous sauvera … l’ amour est plus fort que la mort ..;toujours …:-)
    Bisous Brigitte

  8. Céleste dit :

    Aller vers les autres…
    Oui, bien sûr, et répandre de l’amour comme une nuée d’étoiles
    Chouette retour, Plume !
    ¸¸.•*¨*• ☆

  9. LOU dit :

    Comme tous ces mots, ces idées, ces développements de pensées sont beaux.
    Pour la dernière citation, je la partage largement. Hier, j’ai croisé deux dames d’un certain âge, et nous avons échangé des sourires et des bonjours. Nous ne nous connaissions pas, mais ce fut si agréable ces saluts partagés. 😉

  10. Chère Brigitte,

    Merci pour ton gentil message. Je regrette que nous ne puissions pas nous rencontrer. J’aime beaucoup la sensibilité qui émane de ton blog, du choix de tes textes.

    Merci encore pour celui-ci, magnifique.

    A bientôt,

    Marie-Paule

  11. Tania dit :

    Continuer… A certaines périodes de la vie, quand un grand changement s’impose, c’est un défi si lourd à relever. Belles illustrations, merci Brigitte.

  12. Isadova dit :

    Bonsoir Brigitte ,

    Le choix des illustrations
    me parle beaucoup
    Alliance et renaissance ,
    tout un poème …

  13. Daniel dit :

    Quel style !Et puis c’est profond. Même si on est toujours seul, la vie n’a de sens qu’à travers les autres. Bon retour Brigitte.

  14. colo dit :

    Changer, s’adapter, peiner et en rire.
    L’arc en ciel nous aide-t-il? Peut-être. Les autres le feront, sûrement.
    Merci pour ce billet qui me touche beaucoup.
    Bonne soirée Brigitte.

  15. MISS MM dit :

    J’aime tes choix de texte et les oeuvres qui les illustrent.

  16. christinegio dit :

    Laisser les vouloir, les jardins à la française et les croyances s’éloigner tranquillement, comme le temps… si on le veut bien…
    Re-bises

  17. naline dit :

    Retrouver le fil, renouer des liens… et persévérer ! Merci pour ce beau billet.
    Beau dimanche, chère Brigitte.

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