La vie, l’amour…

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« … Guy coiffe les cheveux de Gaby. Ils sont si fins, si fragiles, il a peur de les abîmer, les effleure à peine avec la brosse, juste assez pour les lisser. Quand ils sont bien en place, il demande si elle veut mettre une barrette pour retenir sa mèche. Elle veut bien. Il cherche sa préférée, celle avec la grande fleur blanche. Un camélia, c’est ça ? Elle rouspète. Mille fois qu’elle lui répète : gar-dé-nia. Il n’arrive pas à s’en rappeler. Voilà, elle est prête. Il lui sourit. Elle voit dans ses yeux qu’il la trouve belle. Depuis son retour, il ne lui apporte plus son miroir, prend un air vague, dit qu’il l’a égaré à chaque fois qu’elle le réclame. Elle pense qu’il l’a cassé et ne veut pas l’avouer. Comme un petit garçon qui a peur de se faire gronder, il ment. Un peu. Pas trop. Enfin, juste assez. Pour le miroir, ça ne la gênerait pas d’apprendre qu’il est en mille morceaux, au contraire. Depuis quelque temps, ça ne lui plaît plus de se regarder dedans. Il a dû prendre l’eau, ou le fond s’est gondolé, en tout cas, elle ne se reconnaît pas dans son reflet. Dans les yeux de Guy, au moins, elle est toujours Gaby. Il ne s’arrête pas à la surface. Comme ce miroir de pacotille. Il plonge la chercher là où elle se cache, l’éclaire de son amour…

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… Et puis, il y a eu le moment magique. Celui où il s’est assis dans le fauteuil et où il s’est rendu compte que c’était la première fois de sa vie qu’il donnait le biberon à un bébé d’un jour. Qu’il pouvait le regarder, lui parler tout bas sans personne autour. Juste lui et l’enfant… Bonsoir, petite demoiselle… tu te rends compte, déjà ton anniversaire… un jour tout rond… mais dis donc, tu écoutes bien, toi… ah mais oui, c’est nouveau tous ces sons, ça t’intéresse… tu es drôlement mignonne, tu sais… mais oui… et voyez-vous ces p’tites mains… qu’est-ce-qu’elles sont fines, tes p’tites mains… ces longs doigts de pianiste… et ces p’tits pieds, mais comment c’est possible, d’avoir des pieds si petits, si parfaits, si mignons, dis-moi voir, comment c’est possible, ça, ma princesse…« 

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Extraits de : « Et puis, Paulette… » 2012  Barbara Constantine.

Illustrations : 1/« Femme âgée dans un châle fleuri »  Luigi Gainotti 1859-1940   2/« Vierge au Lys » – détail – William Adolphe Bouguereau 1825-1905.

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Vivre, les yeux du cœur grands ouverts…

BVJ – Plumes d’Anges.

13 commentaires sur “La vie, l’amour…”

  1. Mathilde dit :

    Très émue par ces mots si plein de la tendresse de la vie quand elle a su germer dans des coeurs purs ..:-)
    Je t’ embrasse Brigitte

  2. Isadova dit :

    La femme âgée , au visage ridé ,
    digne et figée dans son drapé ;
    puis le détail du bras nu
    et potelé du nourrisson ,
    à la blancheur de lait ,
    tout agité de vie …

  3. Dominique dit :

    je ne l’ai pas lu …je l’ai écouté en livre audio et j’y ai pris un vrai plaisir, la solidarité, la gentillesse, l’écoute et le partage
    Tous ces colocataires réjouissent le coeur

  4. Aifelle dit :

    Je n’ai pas lu ce titre-là de l’auteure, tu me le remets en mémoire. Je vais le chercher, tant de tendresse, il ne faut pas s’en priver. Bonne semaine Brigitte.

  5. Les deux extremes. Le petit âge et le grand âge.

  6. Ça c’est une belle vieille !
    J’aime la patine : sur les meubles mais aussi sur les gens. J’aime aussi les jolis tissus.
    Moi, aussi j’ai des veines visibles sur les mains. C’est nouveau. Je me suis dit : « on dirait les mains de ma mémé. » Finalement, ça m’a plu mais j’ai dû m’y habituer ! Vieillir demande du temps.
    Des bisous et un joyeux mardi

  7. JC dit :

    Que les êtres et les choses deviennent beaux quand on les regarde avec les yeux du coeur ! Merci pour ces magnifiques textes Brigitte. Douce journée à toi. Bises. Joëlle

  8. Poussy dit :

    Je passe souvent de ma maman très âgée à ma petite fille si jeune et vice – versa.
    Elles s’entendent si bien, elles se comprennent, elles savent qu’elles sont les deux extrémités complémentaires de cette vie, ça fait leur noblesse et ça leur donne tous les droits.
    En te lisant, je mesure tout ce que j’ai compris de l’humanité grâce à elles deux entre autres, mais pour beaucoup grâce à elles deux.
    J’en prends conscience en te lisant et ça me bouleverse.

    Je t’embrasse beauty queen, merci à l’infini.

  9. Daniel dit :

    Des instants de tendresse, si précieux, si émouvants……La vie prend plus d’épaisseur !

  10. Aloysia dit :

    La douceur de la vie toute fraîche, toute pétillante, sans prétention, juste là à portée de sourire, de bisou…

  11. angedra dit :

    Description de la vie avec beaucoup de tendresse et d’amour.

  12. LOU dit :

    Ah que j’aime lire ses livres. Dont Tom, tout petit Tom. Je crois bien que tu m’as donnée envie de les relire ! 😉

  13. Un texte émouvant et très beau, il me fait penser à un livre de Singer où les miroirs sont recouverts de tissu et une merveilleuse tendresse dans le second.

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