Sources ressourçantes…

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« …  » Ce sont les différents besoins dans les différents climats qui ont formé les différentes manières de vivre, et ces différentes manières de vivre ont formé les diverses sortes de lois. »

Montesquieu – « L’Esprit des lois ».

La question qui surgit, immédiate, est de savoir si ces réponses singulières sont archaïques, c’est-à-dire dépassées au regard de notre développement et de nos « progrès modernes » : trop singulières pour nous concerner, car trop éloignées de nos modes de vie contemporains ? Ou si elles nous concernent, pourquoi et en quoi ? Pour progresser, il faut s’attacher à identifier ce que nous avons de commun, ce que nous avons de singulier, et ce que nous pouvons éventuellement apprendre de l’espace qui s’ouvre entre nous. La réponse est là, évidente, qui devrait nous sauter aux yeux. Que nous soyons kogi, inuit, touareg, parisienne, qatari ou danois, nous sommes toutes et tous confrontés à une seule et même question que nous pourrions formuler ainsi : comment sur nos chemins de vie grandir en conscience, apprendre à vivre ensemble, en interdépendance avec des espaces naturels limités, en tenant à distance violence et barbarie ? ou, dit autrement, comment « être » humains ensemble ?…

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… Dans nos sociétés modernes, profanes, nous nous sommes mis en dissonance avec la nature, nous ne puisons plus nos réponses dans le vivant, ses principes et son organisation. Nous préférons les imaginer et les faire évoluer au gré de nos envies de transformation, de nos peurs, de nos pulsions et de notre conscience fluctuante du réel. C’est ainsi que nous avons inventé des lois et des règlements qui ne s’inscrivent plus dans le prolongement des principes du vivant, mais qui, au contraire, s’en éloignent pour les soumettre au risque – contradictoire – du déséquilibre et de la mort. Nous avons appelé cela la « Liberté ». Mais de quelle liberté s’agit-il, qui oppose la Loi des hommes à celles de la Nature ? Des députés qui s’auto-amnistient, les limites d’un parc national qui fluctuent selon nos besoins, des ressources naturelles que l’on exploite sans limites, faisant passer pour rétrograde celui qui émet l’ombre d’un doute…

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… « Les indiens luttent comme ils peuvent pour rester indiens dans leur diversité sur des terres indiennes. Ils supportent en silence les jugements de valeur, les regards condescendants de la société occidentale qui, non contente de les reléguer dans les zones les plus difficiles ou inhospitalières, les menace d’éradication, réduisant les derniers survivants à la mendicité et à la dépendance. Pendant ce temps, cette société occidentale, prétendument « civilisée », au nom du développement et de façon aveugle et inconsciente, travaille à la disparition de la planète. Quelle est cette société « occidentale », noyée sous des études, des expertises, saturée de centres de recherche universitaires, d’études et d’analyses de haut niveau, qui refuse de voir et d’entendre ce qui compose son environnement, qui se contente d’utiliser ce qu’elle y trouve et de le jeter en fonction de ses besoins ? Que lui a apporté l’exploration de l’espace, la recherche de nouvelles formes de vie, sinon l’opportunité de pouvoir les détruire, puisqu’elle ne comprend pas et détruit systématiquement toute vie sur terre, jusqu’à sa propre vie ? Quelle est cette société qui dispose de connaissances, mais qui refuse de connaître et de rencontrer les savoirs et les connaissances des communautés indiennes  ? Cette société qui, au nom d’une prétendue civilisation ou d’un prétendu développement, se permet de marquer les autres, les Indiens, de l’étiquette d' »archaïques » ou de « sauvages » ? Quelle erreur et quel aveuglement, car être « sauvage » pour les Indiens, c’est être libre. L’homme capable d’établir une relation avec les arbres, les rivières, l’air qu’il respire ou l’eau qu’il boit est un homme libre. Quelle tristesse de voir l’usage que nous faisons de notre intelligence, ces énergies, ces compétences que nous mobilisons pour augmenter notre capacité de destruction. »

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… Nous sommes au monde, mais nous ne le percevons plus… »

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Extraits de : « Voyage dans le monde de Sé » 2014  Eric Julien.

Tableaux : 1/« Chutes de Tequendama, près de Bogota »  Frederic Edwin Church 1826-1900  2/« Au fond des rocheuses »  Albert Bierstadt 1830-1902.

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S’enrichir d’autres regards…

BVJ – Plumes d’Anges.

10 commentaires sur “Sources ressourçantes…”

  1. Phène dit :

    La ghettoïsation tue la nature et le naturel de l’Homme… Merci pour ce bel article. Bonne semaine, chère Brigitte

  2. MISS MM dit :

    Peut-être y-a-t-il en ce moment un réveil de la conscience par rapport au fait que nous sommes tous habitants d’un seul vaisseau, la Terre. J’entends de plus en plus de paroles, je vois plus d’actes en faveur de sa protection. Mais il faudrait faire plus, et plus vite. Il est vrai que tant que l’argent, la soif de pouvoir, le manque d’éducation et l’obscurantisme tenteront de mener le Monde, ça n’est pas gagné. Mais gardons espoir, et agissons à notre niveau. Merci pour le partage de ce billet. Bonne semaine.

  3. naline dit :

    … et puiser ses réponses dans le vivant. Merci beaucoup pour cette réflexion !

  4. Dominique dit :

    Passant de Amin Maalouf à Montesquieu ma matinée est très érudite ce matin 🙂

  5. Aifelle dit :

    Eric Julien, un auteur que je veux lire depuis longtemps ; je l’ai beaucoup apprécié chaque fois que j’ai entendu à la radio.

  6. angedra dit :

    Difficile de percevoir le monde pour celui qui n’a qu’une idée en tête chaque jour : survivre !
     » … ces différentes manières de vivre ont formé les diverses sortes de lois.”
    Aujourd’hui encore cela est vrai et toute les difficultés viennent de nos différences.

  7. Daniel dit :

    Rien à ajouter à ce texte magnifique. L’homme fait souffrir la nature et souffre par la même occasion. C’est un prédateur. Quand cessera-t-il de massacrer la nature et quand commencera-t-il à vivre en harmonie avec l’Univers. Bonne semaine Brigitte.

  8. LOU dit :

    Mais il en est qui vous pourrisse la vie, alors que tout ce que je souhaite c’est la paix.

  9. Martine dit :

    Un texte où tout est dit, le mal être que je ressens de plus en plus, ne pas me reconnaître dans ce monde où l’homme s’est séparé de la nature, souffrir en voyant la façon dont il traite les animaux, détruit les océans, et je m’angoisse en me demandant de quel monde vont hériter mes 3 petites-filles et je ne peux que faire comme le colibri de Pierre Rabhi pour ne pas être totalement impuissante.

  10. De bien belles images… Mais le monde, chaque société l’interprète à sa façon. Demandons aux oiseaux de s’entendre avec les poissons ; aux mammifères de s’accorder avec les insectes ou les reptiles… la diversité de la vie crée l’incompréhension. A nous de trouver comment changer les choses !

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