L’Oiseau Bleu…

Féerie théâtrale en six actes et douze tableaux de Maurice Maeterlinck.

Deux jeunes frère et sœur, Tyltyl et Mytyl, enfants d’un pauvre bûcheron, partent à la recherche de l’Oiseau Bleu à la demande de la Fée Bérylune dont la fille est malade…

Cette pièce fut jouée pour la première fois le 30 septembre 1908, au Théâtre Artistique de Moscou, théâtre créé par Vladimir Nemirovitch-Dantchenko et Constantin Stanislavski.

Ce dernier, comédien, metteur en scène et théoricien a révolutionné le théâtre.

Pour lui, l’acteur doit abandonner le jeu théâtral exagéré de l’époque pour arriver à un jeu sincère et vrai, il doit chercher l’inspiration à l’intérieur de lui-même .

Il fut passionné par cette pièce symboliste, œuvre majeure de M.Maeterlinck sur l’homme et la quête du bonheur.

Les enfants vont traverser dans leur voyage initiatique les grands thèmes de l’existence, à la recherche de la vérité, symbolisée par l’Oiseau Bleu.

Bien sûr, l’Oiseau Bleu est insaisissable…

Photographies  de Karl Fischer – 1908

Cette féerie est une merveille, j’aurais aimé vous l’offrir là, sur-le-champ, dans son intégralité…

Mais c’est chose impossible, je vous en livre quelques lignes pour le plaisir.

J’espère que votre gourmandise vous poussera à continuer le voyage…


« … la Fée – Mais il faut voir les hommes avec la même audace !… C’est bien curieux les hommes… Depuis la mort des fées, ils n’y voient plus du tout et ne s’en doutent pointHeureusement que j’ai toujours sur moi tout ce qu’il faut pour rallumer les yeux éteints… Qu’est-ce-que je tire de mon sac ?…

Tyltyl – Oh ! Le joli petit chapeau vert ! Qu’est-ce qui brille ainsi sur la cocarde ?

la Fée C’est le gros Diamant qui fait voir…

TyltylAh !…

la FéeOui ; quand on a le chapeau sur la tête, on tourne un peu le Diamant : de droite à gauche, par exemple, tiens, comme ceci, vois-tu ?… Il appuie alors sur une bosse de la tête que personne ne connaît, et qui ouvre les yeux…

Tyltylça ne fait pas mal ?

la Fée Au contraire, il est fée… On voit à l’instant même ce qu’il y a dans les choses ; l’âme du pain, du vin, du poivre par exemple…

Mytyl Est-ce qu’on voit aussi l’âme du sucre ?…


la Fée – …  Ah ! j’allais oublier… ( Montrant le Diamant.) Quand on le tient ainsi, tu vois… un petit tour de plus, on revoit le Passé… Encore un petit tour, et l’on voit l’Avenir… C’est curieux et pratique et ça ne fait pas de bruit…

Tyltyl Papa me le prendra…

la Fée – Il ne le verra pas; personne ne peut le voir tant qu’il est sur ta tête… Veux-tu l’essayer ?… (elle coiffe Tyltyl du petit chapeau vert) A présent, tourne le Diamant… Un tour et puis après…

(A peine Tyltyl a-t-il tourné le Diamant, qu’un changement soudain et prodigieux s’opère en toutes choses. La vieille fée est tout à coup une belle princesse merveilleuse ; les cailloux dont sont bâtis les murs de la cabane s’illuminent, bleuissent comme des saphirs, deviennent transparents, scintillent, éblouissent à l’égal des pierres les plus précieuses. Le pauvre mobilier s’anime et resplendit ; la table de bois blanc s’affirme aussi grave, aussi noble qu’une table de marbre, le cadran de l’horloge cligne de l’œil et sourit avec aménité, tandis que la porte derrière quoi va et vient le balancier s’ entr’ouvre et laisse s’échapper les Heures, qui, se tenant les mains et riant aux éclats, se mettent à danser aux sons d’une musique délicieuse. Effarement légitime de Tyltyl qui s’écrie en montrant les Heures.)

Tyltyl – Qu’est-ce que c’est que toutes ces belles dames ?…

la Fée – N’aie pas peur ; ce sont les heures de ta vie qui sont heureuses d’être libres et visibles un instant…

Tyltyl Et pourquoi que les murs sont si clairs ?… Est-ce qu’ils sont en sucre ou en pierres précieuses ?…

la Fée – Toutes les pierres sont pareilles, toutes les pierres sont précieuses : mais l’homme n’en voit que quelques-unes… »

« … la Nuit – Quoi ?… Qu’est-il donc arrivé ? …

la Chatte – Je vous ai déjà parlé du petit Tyltyl, le fils du bûcheron, et du Diamant merveilleux… Eh bien, il vient ici pour vous réclamer l’Oiseau-Bleu…

la Nuit – Il ne le tient pas encore…

la Chatte – Il le tiendra bientôt, si nous ne faisons pas quelque miracle… Voici ce qui se passe : la Lumière qui le guide et qui nous trahit tous, car elle s’est mise entièrement du parti de l’ Homme, la Lumière vient d’apprendre que l’Oiseau-Bleu, le vrai, le seul qui puisse vivre à la clarté du jour, se cache ici, parmi les oiseaux bleus des songes qui se nourrissent des rayons de lune et meurent dès qu’ils voient le soleil… Elle sait qu’il lui est interdit de franchir le seuil de votre palais ; mais elle y envoie les enfants ; et comme vous ne pouvez pas empêcher l’Homme d’ouvrir les portes de vos secrets, je ne sais trop comment tout cela finira… En tout cas, s’ils avaient le malheur de mettre la main sur le véritable Oiseau-Bleu, nous n’aurions plus qu’à disparaître… »


Devant le rideau qui représente de beaux nuages.

« la Lumière – Je crois que cette fois nous tenons l’Oiseau-Bleu. J’aurais dû y penser dès la première étape… Ce n’est que ce matin, en reprenant mes forces dans l’aurore, que l’idée m’est venue comme un rayon de ciel… Nous sommes à l’entrée des jardins enchantés où se trouvent réunis sous la garde du Destin, toutes les Joies, tous les Bonheurs des Hommes…

Tyltyl – Il y en a beaucoup ? Est-ce qu’on en aura ? Est-ce qu’ils sont petits ?…

la Lumière – Il en est de petits et de grands, de gros et de délicats, de très beaux et d’autres qui sont moins agréables… Mais les plus vilains furent, il y a quelques temps, expulsés des jardins et cherchèrent refuge chez les Malheurs. Car il faut remarquer que les Malheurs habitent un antre contigu, qui communique avec le jardin des Bonheurs et n’en est séparé que par une sorte de vapeur ou de rideau subtil que le vent qui souffle des hauteurs de la Justice ou du fond de l’Éternité soulève à chaque instant… Maintenant, il s’agit de s’organiser et de prendre certaines précautions. En général, les Bonheurs sont fort bons, pourtant il en est quelques-uns qui sont plus dangereux et plus perfides que les plus grands Malheurs… »


« … Tyltyl – Il y a donc des Bonheurs à la maison ? …

(Tous les Bonheurs éclatent de rire.)

le Bonheur – Vous l’avez entendu !… S’il y a des Bonheurs dans ta maison !… Mais, petit malheureux, elle en est pleine à faire sauter les portes et les fenêtres !… Nous rions, nous chantons, nous créons de la joie à refouler les murs, à soulever les toits ; mais nous avons beau faire, tu ne vois rien, tu n’entends rien… J’espère qu’à l’avenir tu seras un peu plus raisonnable… En attendant, tu vas serrer la main aux plus notables… Une fois rentré chez toi, tu les reconnaîtras ainsi plus facilement… Et puis, à la fin d’un beau jour, tu sauras les encourager d’un sourire, les remercier d’un mot aimable, car ils font vraiment tout ce qu’ils peuvent pour te rendre la vie légère et délicieuse… Moi d’abord, ton serviteur, le Bonheur-de-se-bien-porter… Je ne suis pas le plus joli, mais le plus sérieux. Tu me reconnaîtras ?… Voici le Bonheur-de-l’air-pur, qui est à peu près transparent… Voici le Bonheur-d’aimer-ses-parents, qui est vêtu de gris et toujours un peu triste, parce qu’on ne le regarde jamais… Voici le Bonheur-du-ciel-bleu, qui est naturellement vêtu de bleu ; et le Bonheur-de-la-forêt, qui non moins naturellement, est habillé de vert, et que tu reverras chaque fois que tu te mettras à la fenêtre… Voici encore le Bonheur-des-heures-de-soleil qui est couleur de diamant, et celui du Printemps qui est d’émeraude folle…

Tyltyl – Et vous êtes aussi beaux tous les jours ?…

le Bonheur – Mais oui, c’est tous les jours dimanche, dans les maisons, quand on ouvre les yeux… »


L’oiseau Bleu – Maurice Polydore Marie Bernard Maeterlinck

1862 – 1949

Prix Nobel de littérature en 1911

Illustrations 1,2,3,4,5  de John James Audubon  1785 – 1851

…..

Et si… enfin, nous cherchions  l’inspiration à l’intérieur de nous-mêmes, juste pour tendre à être vrais et sincères ?

BVJ – Plumes d’Anges.

3 commentaires sur “L’Oiseau Bleu…”

  1. valdelia dit :

    Clap ! Clap ! Clap !

    Superbe !

  2. Lolo dit :

    ô Tyltyl et Mytyl,
    vous m’avez donné là l’envie de relire ce drôle de livre, je ne l’ai malheureusement pas dans ma bibliothèque pour le prendre avec moi sur le bateau qui m’attend…
    Belle coïncidence, j’ai connu par le passé de belles illustrations des âmes des choses : ma mère les avait représentées à sa manière, j’aimais particulièrement son Pain de sucre…
    J’ai connu aussi de belles représentations de l’illustre illustratrice Amélie Jackowski sur ce même sujet

    Je tâcherai ce week-end de voir les choses avec un oeil de fée
    bises tendres et à bientôt

  3. Kenza dit :

    Magnifique histoire de L’oiseau Bleu, très bien illustrée…
    J’aime particulièrement les deux premières illustrations!
    Très belle soirée et bon dimanche

Laisser une réponse

*